Comprendre le pouvoir d'Adolf Hitler.
Pour Winston Churchill, qui avait indéniablement un certain sens de la formule, Adolf Hitler est une devinette enveloppée d'un mystère à l'intérieur d'une énigme. Omniprésent dans les consciences et dans le référentiel de notre époque tant il est devenu l'un des repoussoirs les plus efficaces et les plus spectaculaires de notre mémoire collective récente, tellement proche que certains parmi nos aînés se souviennent encore du bruit des bottes de son armée, de la fureur des guerres qu'il a provoqué, faisant au bas mot près de 50 millions de morts ainsi que du timbre terrifiant de sa voix scandant avec une force perturbante des discours d'une violence rarement égalée, même comparée à celles d'époques que l'on croyait pourtant plus barbares, le Führer a plus que cela, ou pire que cela, si tant est qu'il est possible de s'abstraire du chiffre énorme des morts provoqués directement et indirectement par lui, marqué à jamais l'épistèmê européenne, sa pensée et sa politique de civilisation. Véritable boussole qui indique le sud, constructeur bien malgré lui des Etats de droit corsetés, ironiquement surnommés "à l'allemande", Hitler est l'incarnation du régime totalitaire dans toute son horreur auxquelles s'opposent les démocraties occidentales aspirant dès 1950, avec la signature de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, à la sécurisation maximale du suffrage universel, rivalisant d'idées pour encadrer ce dernier par des cours suprêmes et autres processus de hiérarchie des normes, rendant en théorie impossibles des aventures totalitaires du même acabit. Et pourtant, au-delà du guide fanatisant qu'il a été, au-delà même du génocide qu'il a engagé, il est évident qu'il y a autre chose chez lui qui n'explique pas sa place démesurée dans l'imaginaire collectif. Staline a tué autant, si ce n'est plus, avec autant de cruauté et de démesure, et pourtant il parait si lointain et si oublié. Mussolini a même de bien des manières précédé Hitler sur de nombreux éléments de la galaxie idéologique fasciste : c'est à peine si l'Italie ne l'admire pas encore un peu. Alors, s'il est évident qu'Hitler a poussé le plus loin le fascisme d'extrême droite, que ce soit dans son idéologie et dans les moyens industriels et techniques de sa réalisation, qu'il est également celui qui a provoqué une guerre, tandis que les deux autres avaient cherché à l'éviter, qu'il a programmé méticuleusement l'élimination cruelle de vastes fragments de population dans un projet racial et spatial d'un cynisme et d'un impérialisme absolus, et ce, et c'est peut-être ce qui le différenciera de ce point de vue de Staline, en se fondant sur une vision du monde beaucoup moins généreuse que le marxisme, Hitler a bien quelque chose de particulier qui le caractérise : c'est le mystère.
Le mystère est sans doute la clef de la réussite du culte de la personnalité organisé et orchestré par Hitler et ses séides. L'homme avait le goût immodéré du non-dit, de la distance et de la hauteur lesquels ont constitué d'ailleurs sa mégalomanie réelle et croissante. Parce que si Hitler a tant marqué les mémoires, c'est qu'il a été sans doute celui qui a le mieux organisé son culte personnel. Et que ce dernier se fondait d'abord et avant tout sur le secret, si bien qu'à peu près tout et n'importe quoi a été écrit sur Hitler. Outre les propos délirants, entendus ici et là, sur une prétendue judéité (parce qu'il a un grand père inconnu) ou une prétendue toxicomanie (parce qu'il prenait un traitement à base de cocaïne), quand il ne s'agit tout simplement pas de fantasmes sur ses prétendues dysfonctionnement génitaux, les théories sont allées bon train pour tenter de décrire l'homme qu'il a été. La plus marquante, et sans doute la plus influente, est sans doute celle entretenue par Albert Speer et Otto Wagener : Hitler serait un démon, un "personnage diabolique", la réincarnation d'un Hun asiatique, quasiment le nouveau Tamerlan, qui serait venu du fond des âges pour pervertir et souiller une Allemagne belle et cultivée. En fait, selon cette théorie, Hitler est un concept, une créature quasiment mystique, non-humaine et inhumaine, dont les desseins auraient été de corrompre l'Humanité et de l'hypnotiser pour la dévoyer. Cette théorie, aussi absurde soit-elle, est pourtant à bien des égards celle que se plaisent à utiliser ceux qui en parlent encore aujourd'hui, dans les médias et dans la vulgarisation historique, comme d'un démon, d'un monstre ou carrément du diable. La thèse est bien commode car elle permet de ne pas se pencher plus spécifiquement sur l'homme et sa psychologie, sur ce qui fait qu'un homme peut devenir un Hitler, sur la société allemande et ses composantes qui ont rendu possible son ascension puis son avènement, ni d'ailleurs sur le consentement d'un Peuple pour la participation à un régime bien particulier à une époque donnée : si Hitler était un "diable", cela veut dire qu'il n'était pas possible pour les hommes de ne pas le rendre, justement, possible. Surtout, cette théorie déifie Hitler et entretient, a posteriori, un culte de la personnalité qu'il a lui même établi. Présenter Adolf Hitler comme un démon menaçant de son souvenir nos consciences impressionnées, c'est le porter aux nues et rétablir son aura de Führer. Feindre d'y voir l'incarnation totale et absolue du mal, c'est rétablir la fiction d'un charisme presque inhumain. En d'autres termes, le voir en diable est aussi médiocre intellectuellement que de le voir tel un Dieu. Cette thèse mystique est peut-être celle qui est la plus partagée par le commun des mortels qui aiment à frémir en entendant le mot "Hitler". Non, Hitler est un être humain parfaitement constitué, et s'il faut l'évoquer, autant le faire avec mesure et justesse.
D'autres théories ont fleuri sur la véritable nature d'Adolf Hitler. Était-ce un fou mal dégrossi, un prolétaire sans culture, brut de décoffrage et arrivé au pouvoir par un moment d'inattention collective ? Cette thèse a pu être celle des conservateurs et de la droite allemande des années 30, et ils sont sans doute bien placés pour savoir que ce jugement péremptoire était aussi faux qu'irresponsable. Hitler était-il un opportuniste assoiffé de vengeance et dominateur qui, s'il avait pu être communiste, l'aurait été ? Cette idée là qui dissocie Hitler de sa vision du monde semble là aussi particulièrement fausse tant Hitler a été justement l'exécutant fanatique d'une idéologie bien définie, soigneusement préparée et organisée. Hitler était-il un simple pantin du grand capitalisme allemand ? Théorie bien plus sérieuse, soviétique à l'origine et encore portée par une certaine gauche, mais partiellement fausse. On a sans doute mis le pied à l'étrier d'Hitler, et de nombreux industriels en ont eu la responsabilité, encore que ce nombre ait été sensiblement exagéré, mais ils étaient loin de le contrôler, surtout à la fin de son règne. En outre, l'idée de faire d'Hitler un pantin signifierait qu'il ait été un dictateur faible. C'est d'ailleurs exactement une affirmation qui a été très en vogue et qui avait fait du Führer une sorte de pivot-propagandiste destiné à arbitrer mollement une polycratie anarchique de différents services, chefs et factions. C'est pourtant précisément mal comprendre le nazisme que d'interpréter cela comme le signe d'un dictateur faible, c'est-à-dire ayant au final peu de pouvoirs sur les décisions prosaïquement prises par le régime. Il faut ici comparer Hitler à Staline. Ce dernier est sans doute le prototype du dictateur fort : en faisant régner la terreur sur ses collaborateurs par l'art de la disgrâce, en purgeant régulièrement ses instances de pouvoir, en insufflant une ambiance d'angoisse telle que toute idée ou initiative était tué dans l'œuf avant même d'avoir germé, Staline maîtrisait absolument tout ce qui passait dans son régime, au mépris parfois de l'efficacité. Hitler faisait exactement l'inverse, sans pour autant être un dictateur faible. Il appliquait simplement le darwinisme social à son mode de gouvernement en laissant délibérément une forme d'anarchie dans ses services, tout en jouant très habilement de la propagande, si bien que chaque fonctionnaire rivalisait d'ingéniosité pour écraser son concurrent, qu'il soit une personne, un service ou une administration, et ainsi présenter le meilleur projet. Ce travail permanent de la population en direction du Führer pour reprendre l'expression de Ian Kershaw a fait la force de l'Etat allemand hitlérien qui était, de ce fait, beaucoup plus efficace que l'Etat stalinien. Hitler se contentait d'arbitrer les décisions importantes et organisait consciencieusement une forme de désordre. Mais si le régime hitlérien était donc diablement plus efficace que le régime stalinien, l'assise du dictateur était pour le coup plus fragile. Si Hitler n'est pas mort ou n'a pas subi de coup d'Etat, c'est surtout parce qu'il a eu de la chance. Ce mode de gouvernement totalitaire n'était pas exempt de risques et son armée de terre, en imaginant de bien des manières la manière de le faire tomber, y arrivant presque à un moment, démontre cette souplesse fragile du totalitarisme nazi face à la rigidité solide du totalitarisme stalinien. Mais ce n'est pas la seule différence entre ces deux dictateurs. Outre leur idéologie, c'est bien précisément sur le culte de la personnalité, et donc sur la nature même de leur pouvoir, que la différence est fondamentale. Si Staline a organisé son culte, c'est après son arrivée au pouvoir, et avec, il faut le dire, beaucoup moins de talent : il était un piètre orateur et un propagandiste d'assez mauvais goût. Hitler, lui, est arrivé au pouvoir parce qu'il avait organisé son culte de la personnalité avant l'avènement, et il n'a fait que se renforcer par après. Le pouvoir d'Adolf Hitler est l'archétype même de ce que Max Weber a théorisé comme la légitimité charismatique alors que le pouvoir de Staline provient principalement de la tradition voire de la force, puisqu'il a hérité d'une machine totalitaire largement fondée par Lénine. Mais là encore, malgré les dons époustouflants de Hitler pour l'oralité et la propagande, c'est une légitimité fragile qui ne dépend que de l'aura et du mystère associé. Si quelque chose vient troubler le mystère ou la hauteur de vue du dirigeant charismatique, c'est terminé, et c'est précisément ce qui arrive à Hitler en 1943. S'il est donc très faux de dire que Hitler était un dictateur faible, puisque son totalitarisme était bien plus efficace et charismatique que celui de Staline, il était largement plus fragile. Loin d'être un pantin, il est la parfaite illustration de la théorie marxiste de l'homme providentiel et qui pourrait se résumer en ces termes : c'est l'occasion qui fait le larron. En d'autres termes, Hitler a pu être ce qu'il a été que dans une époque donnée, dans un tissu de relations donnée et dans un lieu donné. Pour autant, Hitler n'était pas interchangeable : sans ce pouvoir charismatique réel et cette vision du monde si fanatique, il n'y aurait eu ni guerre mondiale, ni génocide. Il faut ajouter à cela une chance troublante, qui faisait d'ailleurs dire à l'intéressé qu'il avait une destinée, ce qui renforçait d'autant plus son égomanie. Hitler savait engager le rapport de force au bon moment, quand il le fallait. L'homme savait respirer la faiblesse de ses ennemis et engager des coups de poker gagnants (mais faussés en eux mêmes car inégalitaires par nature). Mais cette qualité cache là encore une fragilité : une intransigeance aveugle et presque suicidaire. Cet orateur né, à la vision du monde ferme et intolérante, va donc rendre possible, dans l'Allemagne de l'Entre-Deux-Guerres, l'un des régimes totalitaires les plus violents de l'Histoire.
C'est donc bien plus sur l'histoire du pouvoir d'Hitler que sur Hitler qu'il faut s'appesantir puisque c'est son pouvoir, fondé sur le charisme et le secret, qui conduit justement à l'effacement d'Hitler derrière la figure plénipotentiaire et totalitaire du Führer. Comment donc Hitler est-il arrivé au pouvoir ? Quelle en était la nature ? Comment l'a-t-il exercé ? Pourquoi l'a-t-on laissé s'étendre au point de briser toutes les barrières institutionnelles ? Pourquoi la résistance à ce pouvoir fut-il si faible dans une société si avancée et si cultivée ? Il s'agit peut être là davantage du véritable mystère Hitler.
HITLER AVANT LE POUVOIR : ADOLF LE MARGINAL.
Rechercher dans la biographie d'Hitler, avant son introduction dans les cercles politiques et de pouvoir, les raisons de son totalitarisme à venir est en soi une méthodologie contestable. D'abord, parce que les sources sont rares et pour tout dire partielles et partiales. Ensuite, et c'est peut-être plus problématique, parce qu'interpréter des évènements personnels, puis à partir de ces interprétations tisser un lien avec son pouvoir futur, est rationnellement hautement contestable, et relève parfois davantage du fantasme que de la réalité. Pour autant, certains éléments semblent avoir été indéniablement révélateurs d'une personnalité et d'une vision du monde en construction.
Naissance et enfance d'Adolf Hitler.
Hitler est né en Autriche et c'est déjà un fait politique en soi. A cette époque, tandis que la Prusse a disparu et que le Reich Allemand avait réussi à unifier sous un même Etat tous les peuples allemands, l'Autriche est le seul pays, ethniquement allemand, à ne pas y être incorporé. Elle faisait partie d'un ensemble géographique et politique complexe, l'Empire d'Autriche-Hongrie, qui réunissait sous l'égide d'un Empereur des peuples aux ethnies et aux coutumes inconciliables. L'Autriche et la Hongrie, au sein d'un dualisme de pouvoir, exerçaient sur les nombreux peuples slaves habitant l'Empire (les Polonais, les Tchèques, les Slovaques, les Slovènes, les Croates, les Serbes, les Bosniaques) un pouvoir sans partage. Les Allemands autrichiens et les Magyars hongrois refusaient de partager le pouvoir avec les Slaves et craignaient l'émergence d'un trialisme qui aurait menacé leurs positions. Alors même que l'Autriche était donc dans cet Empire en position dominante, puisque l'Empereur Habsbourg était un Autrichien, et donc un Allemand, de nombreux courants aspiraient davantage à l'émergence d'un pangermanisme. Cette utopie consistait en la réunion de tous les peuples allemands au sein de la même entité politique : le Reich Allemand avait accompli cette tâche, mais sans l'Autriche. Des intellectuels, tels que Georg Ritter von Schönerer, plaidaient pour le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne et n'avait de cesse que de critiquer la politique des Autrichiens catholiques et surtout, et ce n'est pas étonnant, les Juifs, soi-disant les responsables de la dispersion du peuple allemand. Hitler n'aura de cesse, dans Mein Kampf, de railler l'absurdité austro-hongroise, de cracher son dégoût pour les peuples slaves qu'il méprise et puis évidemment de reprendre à son compte l'antisémitisme pangermaniste.
Mais à ce stade, Hitler n'est même pas encore né. Son père, originaire du nord-ouest de la Basse-Autriche, dans le Woldviertel, région proche de la Bohême et réputée peu hospitalière, provient d'un milieu paysan de petits propriétaires. Il se nomme Aloïs Schicklgruber, il est né à Strones d'une union illégitime et fut adopté par un homme nommé Johann Hiedler. Sa cousine, Johanna Hüttler, porte là encore un nom différent. En fait, que ce soit Hüttler ou Hiedler, il s'agit d'un variant linguistique signifiant "petit propriétaire". Le jeune Aloïs Schicklgruber décidera en 1876, pour ménager la chèvre et le chou, d'adopter le nom d'Hitler, qui ressemble donc à ces deux patronymes là. S'il avait conservé le nom de Schicklgruber, le Heil nazi aurait sans doute été plus complexe à prononcer. Aloïs Hitler semble avoir une certaine intelligence et parvient à s'extraire du milieu paysan pour intégrer la fonction publique austro-hongroise dès l'âge de 18 ans en 1855. D'abord au Ministère des Finances, il obtient rapidement un avancement et devient Inspecteur des Douanes à Braunau am Inn, une ville frontalière avec l'Allemagne. Le passage de la paysannerie foncière à la fonction publique est l'un des rares moyens d'obtenir une ascension sociale dans un Empire fondé principalement sur une certaine aristocratie. Après avoir eu deux épouses et deux enfants, Aloïs Jr et Angela, il semble tomber amoureux de la fille de sa cousine, Klara Pölzl. Etant sa cousine au deuxième degré, ils demandent une dispense ecclésiastique afin de se marier, dispense qui leur est donnée. Certains ont affirmé qu'il s'agissait là d'un mariage consanguin : c'est faux. Aloïs a été adopté par l'oncle de la jeune fille, il n'a donc pas de sang commun avec Klara. Il ne s'agit pas non plus de sa cousine direct, mais bien de la fille de sa cousine Johanna Hüttler, mariée à Johann Pölzl. Le couple ne semble pas très heureux en ménage et Aloïs présentait les caractéristiques d'un mari violent et peu aimant. A cela s'ajoutent plusieurs drames personnels qui n'apportent pas vraiment de joie de vivre dans la maisonnée : leurs deux premiers enfants sont morts de diphtérie et leur troisième, Otto, meurt quelques jours après sa naissance. Adolf est le quatrième enfant. Son jeune frère, Edmund, meurt à l'âge de six ans. Seule sa petite sœur, Paula, survivra en même temps que lui. Dans cette atmosphère, il n'est pas étonnant que des liens très forts se soient crées entre Klara et ses enfants à Linz, petit village bucolique où s'est installée la famille. Hitler disait : J'ai révéré mon père, mais j'ai aimé ma mère. Ce profond amour pour sa mère a été rapporté à de nombreuses reprises, mais les relations avec son père ont été plus tendus. Plus violent, Aloïs nourrissait des projets pour Adolf : l'histoire est bien connue, il devait devenir lui aussi un fonctionnaire. Mais le petit garçon ne semble pas avoir été un enfant très studieux et s'intéressait davantage au monde de l'art, et notamment à la peinture et à l'architecture. Cette tension ne s'est apaisée qu'à la mort d'Aloïs en 1903. Deux ans plus tard, Adolf arrête l'école. Entre 1905 et 1907, Hitler vit chez lui en dilettante, aimé et choyé par sa mère Klara, sa soeur Paula et sa tante Johanna. Passant ses journées à peindre ou à se balader avec August Kubizek, son meilleur ami, dans le village de Linz, il se prend à rêver de grandeur. Il l'a décidé, il sera un grand peintre. Kubizek, source primordiale pour les historiens, le suivra à Vienne et le rencontrera après 1938 à plusieurs reprises. Ce dernier témoigne également de leur amour commun de la musique et notamment de l'opéra de Wagner Lohengrin. Nous devons également à Kubizek une légende urbaine bien ancrée selon laquelle Hitler serait tombé amoureux d'une Juive dans son enfance. Rien n'est plus faux : Kubizek rapporte simplement le coup de cœur adolescent d'un Adolf pour une Stefanie qu'il n'a jamais abordé. Rien de plus. En 1907, sa mère, Klara, meurt d'un cancer et Adolf est inconsolable. Il faut y voir le chagrin ordinaire d'un enfant endeuillé. Visiblement très affecté par la mort de Klara, il nourrira tout au long de sa vie la peur panique du cancer et une véritable hypocondrie. Néanmoins, la mort de sa mère lui rapporte une coquette somme qui lui permet de partir en compagnie de Kubizek à Vienne pour tenter sa chance bien connue à l'Académie des Beaux Arts.
Pauvreté et déchéance à Vienne.
Son refus d'être admis aux Beaux Arts n'a pas été aussi sec que l'historiographie aime à le raconter. En réalité, il est éliminé au 2e test, ce qui n'est vraiment pas si mal. L'Académie lui reconnaissait en outre un véritable talent pour l'architecture et l'invitait à suivre cette voie. Hitler est sans doute blessé par ce refus, tellement qu'il ne dit même pas à son colocataire, Kubizek, avec qui il loue une chambre à Vienne chez une Tchèque, qu'il a été refusé. Tandis que Kubizek, qui deviendra chef d'orchestre, étudie au conservatoire, Hitler ne prépare pas sa deuxième tentative et passe ses journées à se promener dans Vienne : beaucoup d'ambition cohabite chez lui avec une grande paresse. Il semble avoir un goût très prononcé pour le rangement et déteste quand Kubizek fréquente des jeunes filles dans la ville, ce qui témoigne d'une certaine possessivité. Hitler a d'ores et déjà un mode de vie très austère : il ne boit pas d'alcool, mange peu de viande et cultive une abstinence sexuelle totale. Pour contrer encore une légende urbaine, venant à imaginer un testicule unique, rumeur qui provient d'un rapport soviétique très sujet à caution, Adolf adopte simplement une morale très présente à l'époque dans un certain milieu autrichien. S'il condamne la masturbation et la prostitution, il est également loin d'apprécier l'homosexualité. Cette vie puritaine est un véritable choix du jeune Hitler, dixit Kubizek. Beaucoup ont utilisé ces deux éléments : l'échec à l'Académie, et une vie sexuelle austère, pour tenter de démontrer qu'Adolf Hitler n'était finalement qu'un raté frustré. Cet argument ad hominem est un peu médiocre et surtout, peut s'interpréter de bien d'autres manières. Certains pourraient voir dans son puritanisme et dans son rejet du travail une forme d'aristocratie naturelle. Il ne faut donc pas dire aux faits ce qu'ils ne disent pas et arrêter les argumentaires psychologiques de bistrot. A côté de cela, les deux jeunes gens passent leurs soirées à l'Opéra où ils apprécient les opéras de Beethoven, de Lizst, de Brahms et surtout de Wagner. Néanmoins, Hitler n'appréciait pas la musique italienne et ne jurait que pas l'opéra purement allemand. Ce nationalisme semble déjà présent car il passe son temps à critiquer le multiculturalisme de Vienne qui, il est vrai, accueille beaucoup de Slaves. En 1908, un fait étonnant pour l'historien intervient : il fait faux bond à Kubizek et disparaît des radars en déménageant sans laisser d'adresse. Il se trouve que ce déménagement intervient chronologiquement en même temps que son deuxième refus à l'Académie. Il est probable que son orgueil mal placé ne lui ait pas fait souffrir l'idée de devoir annoncer cela à son ami. A partir de ce moment là, il est très complexe, puisque Kubizek était une source prolixe, de savoir ce que fait Hitler dans la capitale. On ignore s'il lisait une revue alors à la mode dans la Vienne de cette époque : la revue Ostara, fondée par Adolf Lanz, un fanatique d'extrême droite qui avait crée "Le Nouvel Ordre des Templiers" et imaginait un affrontement manichéen entre la race blonde et des hommes sauvages violeurs d'Allemandes. Cela est bien possible car Lanz utilise déjà le symbole de la svastika, prône la stérilisation forcée et l'élimination des races dites inférieures, l'unification de tous les blonds aux yeux bleus, l'abolition de la démocratie et du socialisme ainsi que la soumission de la femme. Si Hitler ne l'avait pas lu, il s'agit tout de même d'une coïncidence troublante, d'autant que certaines sources, peu fiables, affirment qu'Hitler avait, en 1909, contacté Lanz pour obtenir des anciens numéros de la revue. Quoiqu'il en soit, ce cultisme germanique et le pangermanisme de Schönerer et de Wolf a sans doute pas mal parcouru l'esprit du jeune Adolf. En 1909 commence pour lui une vie de pauvreté pendant laquelle il touche très clairement le fond. Il dort dans une asile de nuit, l'Asyl für Obdachlose, où il rencontre Reinhold Hanisch, un bandit des Sudètes, avec qui il s'associe pour vendre ses peintures. En 1910, les deux hommes s'installent dans un foyer pour hommes et survivent grâce à la vente de tableaux, y compris à des commerçants juifs de la ville. Hanisch explique qu'Hitler pouvait déjà débattre de politique et lançait des grandes diatribes contre les sociaux-démocrates et pour le pangermanisme. Néanmoins, il semble que l'antisémitisme n'ait pas encore été un de ses sujets favoris. Les deux hommes finissent par se brouiller : Hitler travaillait trop peu ce qui a fini par agacer prodigieusement Hanisch. Ainsi, entre 1910 et 1912, on ne sait pas ce qu'est devenu Hitler. On le retrouve en 1912 parce qu'il rencontre Karl Honisch, toujours au foyer pour hommes, dans lequel il était devenu une figure centrale du Salon d'écriture. Il vivait toujours de sa peinture et semblait être connu pour son caractère distant et soupe-au-lait. Il ne cessait de s'attaquer aux Rouges et aux Jésuites, reprenant très clairement l'anti-catholicisme de Schönerer. L'idéologie d'Hitler semble ici se focaliser davantage sur le communisme. Dans Mein Kampf, Hitler explique qu'il s'est pris à détester les socialistes à cause de leur médiocrite dans un chantier où il a travaillé. Problème : il semble que cela soit complètement inventé, sans doute pour plaire à la catégorie des ouvriers. Quant à l'antisémitisme, les historiens semblent clairement se casser le nez pour déterminer quand celui ci est apparu dans l'esprit d'Hitler. Dans Mein Kampf, il explique qu'il appréciait beaucoup les Juifs pendant son enfance, car il les trouvait plus assimilés que les Slaves, mais que cet antisémitisme lui est apparu à Vienne comme une prise de conscience, en réalisant la connivence entre les Juifs, la presse, le capitalisme et le communisme : il dit Les écailles commencèrent à me tomber des yeux. Pourtant, les sources historiques ne confirment pas cet état de fait. Kubizek ment en parlant de l'antisémitisme du père d'Hitler car il semble avoir inventé des dates. Quant à Reinhold Hanisch, il explique qu'Hitler disait du bien des Juifs avec qui il commerçait. Cela est d'autant plus troublant que même dans les tranchées, ses camarades soldats ne l'ont jamais entendu dire du mal des Juifs. Alors, il ne faudrait pas oublier le contexte : Vienne est une ville très antisémite, où le mariage entre Juifs et non-juifs est proscrit, où les synagogues sont surveillées à Pâques. Il faut également ne pas oublier que les deux intellectuels favoris d'Hitler, Schönerer et Lueger, étaient profondément antisémites, et qu'Adolf lisait le Deutsches Volksblatt, journal tenu par Lueger. L'antisémitisme a sans doute du être pour lui comme une évidence qui n'allait pas en se disant.
Munich et la Grande Guerre.
Le 20 avril 1913, il touche l'héritage de son père et décide de partir vivre en Allemagne à Munich, en Bavière. Le 24 mai 1913, il part avec un jeune homme, Rudolf Häusler, s'installer chez Frau Popp. Dans Mein Kampf, Hitler explique qu'il est parti de Vienne, la Babylone des races, pour se rapprocher de l'âme allemande. La réalité semble beaucoup moins à son avantage car il semble fuir le service militaire austro-hongrois. Cela n'empêche pas la police autrichienne de retrouver sa trace et de faire intervenir la police munichoise chez lui, l'obligeant à aller régulariser sa situation à Salzbourg, où il est déclaré inapte. A Munich, il a à peu près la même vie marginale et solitaire qu'à Vienne, passant son temps dans des cafés où il lit la presse. Sa vie semble se résumer à deux choses : la lecture la nuit et la peinture le jour. Hitler aurait très bien pu rester cet artiste bohême qui continuerait à peindre pour survivre, mais l'annonce de la guerre en 1914 va changer radicalement sa vie. A Munich, le jour de la mobilisation générale, la foule est en liesse comme partout dans les Empires Centraux et une photo semble montrer Hitler dans la foule. Mais Hitler est autrichien, il n'est pas allemand. Alors comment expliquer qu'il combattra dans l'armée allemande alors même qu'il avait été déclaré inapte par l'armée austro-hongroise ? Hitler raconte qu'il serait allé demander une permission au Roi de Bavière ce qui est proprement impossible. La réalité est sans doute qu'Adolf a profité d'une erreur d'inattention : personne n'avait pensé à lui demander le justificatif de sa nationalité. Il est affecté au régiment numéro 16 List destiné à partir dans les Flandres. Hitler sera une estafette, à savoir un officier chargé des liaisons, de faire passer des messages entre les différents groupes combattants. Si certains ont minimisé sa participation à la guerre, il faut reconnaître qu'il a pris des risques. 70% de son régiment est mort, et les estafettes sont régulièrement tuées dans les tranchées car elles s'exposent. Le 2 décembre 1914, il reçoit la Croix de Fer, qu'il ne quittera plus jamais et qui sera pour lui le jour le plus heureux de sa vie. Admiré par ses pairs, reconnu comme un fanatique pro-allemand ayant une haine énorme pour les lâches, les déserteurs et les profiteurs de l'arrière, il a une vie aussi austère dans les tranchées qu'à Vienne. Tandis que ses amis boivent et fréquentent les prostituées, Hitler ne va jamais au bordel, ne boit pas, ne fume pas et ne reçoit ni paquet ni lettre. Pendant son temps libre, Adi, car c'est comme ça qu'il était surnommé, lisait et se tenait à l'écart du groupe. En 1916, il prend un morceau d'obus dans la cuisse et part en permission. Il découvre, atterré le défaitisme de la population civile bavaroise et la non envie de se battre. En 1917, il retourne sur le front. Après avoir survécu à une attaque de gaz moutarde qui le rend momentanément aveugle, et pour laquelle il n'a pu se sortir du bourbier que tenu par ses camarades de régiment, il est hospitalisé à Pasewalk. Pendant ce temps, Ludendorff et Hindenburg, les deux généraux ayant les quasi pleins pouvoirs pendant la Première Guerre Mondiale, constatant que le front de l'ouest est intenable, que la population civile et politique ne veut plus se battre, demandent l'armistice. Si Ludendorff change d'avis et n'aura de cesse que de tenter, quitte à se mettre à dos le Kaiser, d'obtenir la relance des combats, l'Armistice est signée (voir ma synthèse sur la Prophétie de Ludendorff). En outre, le monarque Guillaume II abdique, la République de Weimar est proclamée et un Président, Friedrich Ebert, un socialiste modéré, est élu. Quand Hitler, dans sa chambre d'hôpital, apprend tout cela, il s'effondre et décide, selon sa légende personnelle, d'entrer en politique. En réalité, cela ne se ferait pas tout de suite.
LES RAISONS DE L'ENTREE EN POLITIQUE D'HITLER.
L'humiliation de Versailles : le démembrement des Empires.
Le Traité de Versailles, à l'initiative des Etats-Unis du Président Wilson, de la Grande-Bretagne et de la France de Clémenceau, est un véritable coup asséné à la tête de l'utopie pangermaniste allemande. Non seulement le pays est condamné à la réparation colossale des dommages de guerre, mais en plus il est démembré. L'Etat Polonais, alors partagé entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Russie, est constitué et sépare la Prusse en deux pour avoir un accès à la mer : c'est le couloir de Dantzig. L'Alsace-Moselle est restitué à la France. Quant à l'Autriche-Hongrie, n'en parlons pas. Elle n'existe tout simplement plus. A part les deux Etats, l'Autriche et la Hongrie, les Slaves ont crée un Etat commun : la Yougoslavie. Les Tchèques et les Slovaques, eux, ont droit à leur propre Etat : la Tchécoslovaquie qui ravit les Sudètes à l'Allemagne. Il faut ajouter à tout cela la démilitarisation de la rive gauche du Rhin, le désarmement total des armées et le sabordage de la flotte de guerre allemande. Cette humiliation, qui induirait que l'Allemagne est la seule responsable de la Guerre, est d'autant plus difficile à digérer que les hauts dignitaires allemands, comme Ludendorff, accusent un prétendu coup de poignard dans le dos de la part des "traîtres de Novembre" : les pacifistes, les socialistes, les communistes et une société civile défaitiste. A demi-mot, certains groupes d'extrême droite accusent les Juifs d'avoir été responsables de cette armistice, ce qui est proprement insensé tant le nombre de Juifs ayant combattu dans les tranchées en Allemagne était élevé. Pour autant, cette blessure narcissique porté à un Etat qui avait réussi en 1866 contre l'Autriche-Hongrie et en 1870 contre la France à devenir une puissance incontournable, maritime et coloniale n'a pas été une stratégie des plus intelligentes pour les anciens de la Triple Entente. Pourtant, en 1919, il ne reste de l'utopie nationaliste pangermaniste que des lambeaux. Il faut ajouter à cela la dépendance économique de l'Allemagne aux banques américaines qui augure de moments très désagréables dix ans plus tard. Incapable de se défendre, complètement désarmée, la République de Weimar est fragile, et surtout en pleine révolution.
L'Allemagne révolutionnaire.
D'abord, il y a eu la Révolution Bourgeoise. Le Kaiser Guillaume II a abdiqué et une Constitution, adoptée à Weimar, est mise en place. L'Assemblée élit Friedrich Ebert, un socialiste modéré, comme Président du Reich, ce qui a beaucoup déplu aux conservateurs de tout bord constitués principalement d'anciens combattants, et notamment aux deux monstres Hindenburg et Ludendorff. Mais il y a aussi la révolution inspirée de celle, un an plus tôt, ayant permis aux bolcheviques de Russie d'arriver au pouvoir derrière Lénine. Les spartakistes tentent de prendre le pouvoir par la force et un vent révolutionnaire balaie le pays. Et c'est en Bavière qu'arrive peut être un des évènements les plus emblématiques pour Hitler. Les casernes militaires bavaroises forment des conseils ouvriers et le gouvernement bavarois, le Conseil National Provisoire, est tenu par un juif socialiste, le Ministre Président Kurt Eisner. Après son assassinat par un ancien officier aristocrate de droite, les communistes prennent le pouvoir pendant 15 jours en Bavière : c'est la RäteRepublik. Très vite, des corps francs, c'est-à-dire des organismes paramilitaires encore non désarmés, principalement d'extrême droite, écrasent dans le sang la révolution. Ce souvenir va traumatiser les Bavarois qui y verront d'abord la mainmise soviétique, marxiste et juive sur leurs terres. A partir de là, alors que l'Allemagne est majoritairement socialiste modérée, la Bavière va devenir le bastion de la droite dure, regorgeant de groupuscules de droite radicale, de groupes paramilitaires racistes et de loges de réflexions conservateurs. C'est le terreau parfait pour l'extrême droite. Il est évident que sans la RäteRepublik, la Bavière aurait été un Lander socialiste, comme les autres, et qu'un Hitler n'y aurait pas été possible.
LE PIED A L'ETRIER : LE TAMBOUR HITLER.
Un indicateur devenu politique.
Jusqu'en 1920, Hitler reste dans l'armée. C'est ici sa place, il en a l'intime conviction. C'est aussi et surtout son seul gagne-pain. Après la Révolution, la droite reprend en main l'armée, spécifiquement en Bavière. La section des renseignements, notamment, échaudée par les sympathies communistes dans l'armée, n'a qu'une seule peur : une nouvelle Révolution. L'objectif est donc de rééduquer les forces armées pour les renationaliser. Il s'agit aussi pour une certaine idéologie d'extrême droite de rentrer dans les esprits encore traumatisés par la guerre et de leur faire croire, comme le fait Ludendorff, que leur victoire leur a été volée par la gauche. Karl Mayr, chargé de cette basse besogne, repère Hitler et en fait un éducateur spécialisé dans le cadre de ses conférences nationalistes sur l'Histoire et l'économie. Hitler se fait alors remarquer : il découvre qu'on l'écoute et surtout qu'il sait parler. Sa spécialité ? Parler de l'influence juive sur la défaite allemande. En maniant le silence, le sarcasme et en se référant à des intellectuels antisémites comme Chamberlain, Adolf Wahrmund ou Theodor Fritsch, il annonce déjà la nécessité de mettre les Juifs hors d'Allemagne. Très vite, Hitler devient une petite vedette des conférences. Karl Mayr le charge en outre de surveiller les réunions politiques et de les infiltrer, ce que Hitler, en bon indicateur, accepte de faire. Il va notamment faire la connaissance du DAP, le Parti Ouvrier Allemand, dirigé par Anton Drexler. Hitler s'y fera remarqué pour son talent oratoire et prendra la carte numéro 555 du Parti. Mais il ne faudrait pas croire que ce Parti ait une quelconque importance : l'immense majorité de l'électorat ouvrier vote à gauche, et ce Parti n'est que l'un des électrons d'une galaxie de droite bavaroise. Munich est alors remplie de völkischs, des partis racialistes gagnés de longue date par le pangermanisme antisémite. Une loge secrète, la Société Thulé, référence à l'univers nordique, dirige tous ces Partis dans une optique de droitisation. Son chef, Rudolf Freiherr von Sebotendorff, a même acheté un journal qui deviendra le Völkischer Beobachter. Alfred Rosenberg, membre de cette Société, futur nazi, y est un des inspirateurs de l'antisémitisme le plus violent. La loge a très vite trouvé utile d'infiltrer le monde ouvrier et d'opérer à une jonction entre l'aristocratie raciste et une partie du prolétariat allemand de souche : il s'agit là bien de la volonté d'unir le national et le social. On peut également parler de social-nativisme. Ainsi, Karl Herrer a mandaté Anton Drexler pour fonder le DAP, si bien que quand Hitler arrive, tout est déjà prêt. Conscients d'être manipulés par des gens plus puissants qu'eux, Hitler et Drexler (ce dernier garde la direction du Parti) opèrent au changement radical des statuts du Parti pour empêcher toute influence extérieure. En 1920, Hitler fait de la svastika, la croix gammée, l'insigne du Parti. Ce choix, qui est une évidence aujourd'hui, se veut une référence à un signe indien aryen (les aryens avaient envahi l'Inde dans des temps immémoriaux) et à une croix qu'Hitler aurait vu dans un bâtiment religieux qu'il fréquentait. Pour autant, il semble que le signe avait déjà été utilisé, notamment par Lanz, dans sa revue Ostara. Quoiqu'il en soit, il ne s'agit pas d'un signe celtique pour le DAP. Mais l'influence du Parti n'est rien, et surtout son programme politique n'est pas clair, notamment par rapport au bolchevisme et à l'agriculture. Le 21 février 1921, à la Hofbraühaus, brasserie emblématique du DAP, la rentrée politique ne se passe pas très bien même si Hitler est particulièrement applaudi par les 2000 personnes présentes (dont un cinquième d'opposants). Même si Hitler parle bien, et qu'il est extrêmement doué pour les discours, encore imprécis, surtout centrés sur l'antisémitisme, la fraternité des peuples allemands à l'est, la dénonciation des traîtres de Novembre et de la Grande Bretagne et de la France, il lui manque un réseau pour prétendre à exercer de véritables responsabilités dans cette Bavière incubatrice de la droite radicale.
Le Réseau du DAP et la montée en puissance sur la scène bavaroise.
Ainsi, comme il a été dit, le DAP n'est qu'un parti parmi tant d'autres, à la base manipulé par une loge cherchant à droitiser le mouvement ouvrier. Karl Mayr est sans doute celui qui va à son corps défendant aidé au développement du Parti. Ce dernier, un intriguant politique qui vient d'orchestrer une tentative de coup d'Etat raté avec le Général Kapp, et qui a recruté Hitler pour en faire un indic', va présenter Adolf, lors d'une réunion du club "Le poing de fer", à Ernst Röhm. Ce dernier, homosexuel notoire mais furieusement de droite, lié à tous les corps francs et autres groupes paramilitaires bavarois, va devenir un des interlocuteurs privilégiés d'Hitler et va également lui donner des contacts dans l'armée régulière allemande, la Reichswehr, limitée par le Traité de Versailles à un effectif de 100 000 hommes. Röhm a caché un certain nombre d'armes et est surnommé le Roi de la Mitrailleuse. Profondément marqué par la guerre, il croit plus que tout au monde à la communauté des combattants. Il va fournir à Hitler un service d'ordre qu'il commandera : ce sont les fameux Sections d'Assaut (SA). En dotant le DAP, désormais appelé le NSDAP (Parti national socialiste des travailleurs allemands), d'un service paramilitaire, il lui donne une belle place dans l'univers bavarois d'extrême droite. La violence croissante de ces groupes va causer un certain nombre d'assassinats politiques et d'affrontements avec les communistes. Hitler fait le coup de poing et sait organiser sciemment ce genre de rencontres pour donner de la visibilité à son Parti, créer l'évènement et permettre à ses discours d'avoir un public de plus en plus nombreux. Hitler sera d'ailleurs condamné à trois mois de prison dont un ferme en 1922 pour ces agitations. Mais cela n'est pas suffisant. La rencontre avec Dietrich Eckart, un publiciste völkisch antisémite, qui publie une feuille de chou non moins antisémite où écrivent Alfred Rosenbrg et Feder nommé Auf gut Deutsch (Au bon Allemand...), par ailleurs proche de la Société Thulé, va lui ouvrir un certain nombre de portes et surtout de salons. Cela lui permet de rencontrer le nouveau Ministre-Président de Bavière, un homme de droite traditionnel, Gustav Ritter von Kahr, qui s'intéresse beaucoup aux milieux nationalistes dont il a besoin pour affronter les socialistes de Weimar. Kahr est en effet isolé en Allemagne et nourrit de manière insidieuse la violence d'extrême droite pour espérer peser. Il voue pourtant un mépris des plus souverains à Hitler qu'il considère comme une brute épaisse. Mais Hitler se sert de cette notoriété et de cette importance pour prendre aussi la main sur le NSDAP, encore présidé par Drexler. Ce dernier a notamment tenté de fusionner son Parti avec le DSP, un parti d'extrême droite du Nord du Pays. Mais quand Hitler apprend que Drexler a accepté de déplacer le siège du Parti à Berlin, il refuse la fusion. Ce refus sera payant car Streicher, le chef du DSP, rejoindra de lui même le NSDAP. De la même façon, Drexler tente un rapprochement avec un racialiste très en vogue, le Docteur Otto Dickel, auteur de la Résurrection du Monde occidental, qui dirige le très puissant mouvement Deutsch Werkgemeinshaft, et qui propose au NSDAP de former une confédération de partis racialistes. Hitler refuse mais le NSDAP le désavoue. Hitler va donc dévoiler une part de sa personnalité totalitaire, à la sauce "tout ou rien". Il démissionne. Drexler le supplie de revenir à ses conditions. Il n'en fallait pas plus pour que Hitler se voit offrir les pleins pouvoirs du Parti, se faire élire Président du NSDAP sous les applaudissements de son fidèle Rudolf Hess. Pour autant, Adolf Hitler ne pense pas encore à l'idée d'être le chef incontesté du mouvement racialiste. Il n'est dans son esprit qu'un tambour, un orateur et un agrégateur. Surtout, en 1922, le NSDAP n'est rien du tout, insignifiant sur le plan national et à peine signifiant sur la scène munichoise. Manipulateur autant que manipulé, tout reste à faire.
Le NSDAP : force incontournable de Bavière.
A partir de 1923, le vent tourne pour le NSDAP. De force manipulée, il va devenir incontournable en Bavière. La date clef est sans doute celle du 28 octobre 1922, quand Benito Mussolini, dit le Duce, marche sur Rome et prend le pouvoir. Le succès du parti fasciste italien donne une vigueur nouvelle au camp nationaliste. Hermann Göring, un des aviateurs les plus célèbres de la Première Guerre Mondiale, rejoint en outre le mouvement ce qui lui donne un certain prestige. La rencontre avec Karl Lüdecke, qui parle de Hitler comme du nouveau Luther après l'avoir entendu discourir, sera aussi déterminante. Celui ci le met en relation avec la police de Munich et son chef, Ernst Pöhner, mais également avec le Parti fasciste de Mussolini et la Hongrie. Ses nombreux comptes à l'étranger, ainsi que le logement qu'il offre à certains SA, vont apporter une force certaine au NSDAP. Mais c'est surtout la rencontre avec Ernst "Putzi" Hanfstaengl, marchand d'art américano-allemand, très proche des milieux de presse, d'affaire, de l'aristocratie et de la bonne bourgeoisie, lui aussi tombé sous le charme d'Hitler, qui va être essentielle. Outre un financement conséquent, il le met en relation avec Elsa Bruckmann, une princesse roumaine proche d'éditeurs racialistes et de cercles d'aristocrates, d'industriels, de militaires et d'universitaires nationalistes. Si Hitler est mal à l'aise et gauche en public, ses dons oratoires font toujours un grand effet dans ces cercles de la haute. Hitler va rencontrer les fabriquants de piano Bechstein qui lui présentent Winnifred Wagner, ce qui, quand on sait l'amour d'Adolf pour Wagner, est un rêve éveillé. Hitler est donc dans tous les bons salons munichois et déverse sa propagande, multipliant les soutiens à son égard. C'est à cette époque qu'il commence à rêver du pouvoir et à s'estimer indispensable. Mais on lui a indéniablement mis le pied à l'étrier. Le NSDAP est bientôt rejoint par l'ancien diplomate en Turquie, Max Erwin von Scheubner-Richter, farouchement anti-communiste et très en lien avec des aristocrates russes. Hitler, par ses diatribes anti-communistes, attirent les fonds de ces aristocrates qui remplissent ses caisses. La droite tchèque, suisse et même française (à hauteur de 90 000 marks!) financent également le parti nazi. Certains industriels, comme Ernst von Borsig et Daimler, constructeurs berlinois de voiture, mettent également la main au portefeuille. Bientôt, le NSDAP compte 55 000 militants dont un tiers d'ouvriers, un dixième de grands bourgeois et surtout une bonne moitié de petits commerçants, artisans, agriculteurs et employés de bureau. Röhm va même présenter à Hitler le chef de l'armée de Terre Hans von Seeckt et Ludendorff, le chef auto-proclamé de tous les groupes nationalistes allemands. Un conglomérat de groupes paramilitaires est formé pour se mettre au service du bon Ludendorff, le Kampfbund, même si Hitler n'a, à ce stade, aucun contrôle sur ce dernier. Le 1er et le 2 septembre 1923, Ludendorff réunit 100 000 paramilitaires pour célébrer la Bataille de Sedan, victoire remportée contre les Français en 1870. Mais surtout, si l'année 1923 est si importante pour le NSDAP, c'est parce que la Ruhr, région industrielle et riche de l'Allemagne, est occupée par les armées françaises et belges qui font subir un calvaire aux populations locales. Ces armées volent le charbon allemand. Tandis que Ebert, le Président du Reich, a appelé les Allemands à faire de la résistance passive, ce qui a provoqué un certain nombre de grèves et également des exécutions de saboteurs par les Français, Hitler ne cesse de critiquer les "criminels de novembre" parlementaires, démocrates, internationalistes et socialistes qui ont souillé et humilié l'Allemagne. Pendant tout l'été 1923, Hitler souffle sur les braises, dérangeant même Von Kahr, le Ministre-Président de la Bavière. Tout en essayant de séduire le Kampfbund, il se rend compte que comparé à Ludendorff, il n'est simplement qu'un porte-parole puissant parmi beaucoup d'autres. Et Ludendorff se contente de provoquer sans jamais réellement appeler à l'action. Mais l'Occupation de la Ruhr provoque alors une inflation monumentale, détruisant l'épargne allemande et donnant naissance aux images laissées à la postérité d'Allemands allant acheter du pain avec des brouettes de marks. Hitler est alors persuadé que s'il ne tente rien, les ouvriers passeront chez les bolcheviques. Il décide d'orchestrer un coup d'Etat en Bavière.
Le Coup d'Etat manqué en Bavière.
Pendant la crise économique, le 26 septembre 1923, le Ministre Président Von Kahr a décrété l'état d'urgence en Bavière. Voyant qu'il perd le contrôle sur le NSDAP, il interdit quatorze de ses meetings, ce qui met Hitler dans une colère noire. Cela renforce sa volonté d'agir avant que les ouvriers bavarois passent à gauche. A l'époque, la police bavaroise est dirigée par Seißer et la Reichswehr par Lossow. Le triumvirat Kahr/Seißer/Lossow, qui est aussi proche de la Kampfbund, rêve d'un coup d'Etat, mais sans Hitler et sans Ludendorff. La direction du Kampfbund, elle, souhaite un Coup d'Etat dirigé par Ludendorff. Le chef de l'armée de Terre, Hans Seeckt, lié un temps à la conspiration, finit par se mettre d'accord avec le triumvirat bavarois : il n'y aura pas de coup d'Etat contre la République de Weimar et le Président Ebert. Cela met Hitler en furie, d'autant qu'il a parlé de son projet avec Seißer et Lossow, sans grand succès. Il prend cela pour une traîtrise et méprise la légalité de la direction bavaroise qui s'est dégonflée selon lui comme un ballon de baudruche. Von Kahr, pour marquer le coup, prévient le Kampfbund : toute tentative serait réprimée, et durement. Pourtant, Hitler, qui n'est donc soutenu ni par la police ni par l'armée, s'entête. Il faut prendre le pouvoir par la force. Il est soutenu par Scheubner-Richter, l'ancien ambassadeur en Turquie et un membre de la cour suprême bavaroise pro-nazi, Theodor von der Pfordten. Le 7 novembre, les SA de Röhm encerclent la Bürgerbraukeler. Hitler lui-même tire un coup de feu au plafond et prend en otage le triumvirat, les forçant à décréter Ludendorff comme chef de l'Etat. Terrorisé, le Ministre-Président Von Kahr accepte de nommer Ludendorff, ce dernier étant encore plus surpris en apprenant que le coup d'état qu'il ignorait avait semble-t-il réussi. Chacun se serre donc la main. Pöhner et Frick ont même convaincu la police de se joindre au coup d'Etat, même si certaines casernes résistent : Hitler part à leur rencontre pour tenter de les convaincre. Mais Lossow a appelé en cachette des troupes loyalistes et s'exprime à la radio en reniant toutes les promesses faites à Hitler. La police et l'armée interviennent donc pour arrêter les SA et le NSDAP. Ludendorff suggère donc d'organiser un défilé pour essayer de convaincre la population de les rejoindre et Hitler se dit prêt à mourir pour la cause. Mais la police tire. Scheubner-Richter est tué, Göring blessé et Streicher, Frick, Pöhmer, Amann et Röhm sont arrêtés. Après s'être réfugié chez les Hanfstaengl, prêt visiblement à se suicider, Hitler se ressaisit, aidé par Helena, l'épouse de Putzi, nomme Alfred Rosenberg, l'antisémite fanatique comme chef du NSDAP et se fait arrêter. Il est placé dans la plutôt confortable cellule numéro 7 de la prison de Landsberg am Lech, la même que le meurtrier de Kurt Eisner, l'ancien Ministre Président Socialiste de Bavière. Dans la foulée, le triumvirat interdit le NSDAP et dissout toutes les organisations paramilitaires de Bavière. Après ce coup d'Etat raté, le plan Dawes vient donner du souffle à l'économie allemande et la crise se résorbe. Petit à petit, alors que le Völkischer Block avait eu de bons scores (33% à Munich en 1923), il s'effondre dans le pays tout entier. La droite racialiste semble morte. Même la Bavière, pourtant très à droite, ne semble plus être le creuset de l'insurrection fasciste. Le triumvirat Kahr/Lossow/Seisser ne survit pas aux élections. Un catholique de droite pro-Berlin, le Docteur Heinrich Held, devient le Ministre-Président de Bavière. Pendant les procès du 26 février au 27 mars 1924, tous les protagonistes du coup d'Etat, sauf Ludendorff qui est acquitté pour des raisons de prestige, sont condamnés. Mais Hitler, qui avait d'abord pensé à faire une grève de la faim, se rend compte que les juges ne lui sont pas vraiment hostiles, d'autant plus que la Bavière, qui ne devait pas hériter du dossier, a plaidé pour pouvoir juger l'affaire chez elle. Hitler parlera pendant quatre heures et ne sera condamné qu'à cinq ans de prison. La peine est franchement clémente. Hitler n'est pas expulsé en Autriche et cinq ans, pour 4 policiers abattus, 14 600 milliards de marks papier de dégâts, la destruction des locaux du SPD et du Münchener Post et une prise d'otage, ce n'est pas cher payé. Cela démontre tout de même une certaine connivence. Pour autant, cinq ans de prison, cela tue dans l'oeuf le NSDAP. Hitler aurait du tomber dans l'oubli comme la droite nationaliste. Et pourtant.
HITLER EN PRISON : LA FORMATION FINALE DE L'IDEOLOGIE NAZIE.
L'écriture de Mein Kampf : la vision du monde d'Hitler.
Hitler avait coutume de dire que son séjour en prison avait été son université aux frais de l'Etat. Sa détention est plus qu'agréable. Il peut recevoir ses amis, notamment son secrétaire et fidèle Rudolf Hess et continue de parler politique. Ses geôliers prennent des photos avec lui et lui témoignent toute leur admiration. Hitler lit Nietzsche, Marx, Chamberlain, Ranke, Bismarck et décide de consolider et rationaliser sa vision du monde (sa weltanschauung). Il n'en changera quasiment plus jamais. Alors qu'il devait avoir un titre plus long et plus pompeux, Hitler décide d'écrire Mein Kampf, à la fois une biographie et en même temps un véritable diagnostic et programme politique. S'il commence à critiquer la construction politique de l'Autriche Hongrie, il démontre surtout que sa vision du monde est complètement à l'opposé de l'Humanisme. Pour Hitler, il n'y a pas d'individus et d'Etat de droit. Il n'y a que des races et chacun est déterminé par son programme biologique. La loi du plus fort s'applique autant aux humains qu'aux races et aux sociétés. Comme une entropie et une règle venant du fond des âges, les faibles doivent être éliminés et les forts doivent, dans ce monde terrible et cruel qu'est la Planète Terre, acquérir par la force et la volonté les moyens de leur subsistance. Il s'agit ni plus ni moins que d'un darwinisme social absolu. Il n'y a aucune trace de libre-arbitre, chacun étant déterminé par un ensemble plus grand qu'est la race et les libertés fondamentales sont donc une faiblesse, car elles permettent aux plus faibles d'exister, et ces derniers abâtardissent la vigueur et la force de la race. Une horreur qui sera appliquée au sein de l'administration hitlérienne, qui sera un des laboratoires du darwinisme social. La race aryenne, supérieure, doit acquérir son espace vital : le Lebensraum. Ce concept, absent de la pensée hitlérienne avant l'incarcération, est lié à un constat : la population doit avoir de la place pour se propager et se reproduire. Il constate que le modèle colonial britannique et français, que l'Allemagne a un temps imité, n'est pas conforme aux ambitions aryennes. Il imagine la colonisation de l'Est et la réduction en esclavage des Slaves. Ainsi, en volant les ressources de l'Est, l'Allemagne pourra devenir la plus grande puissance continentale, aux dépends de son ennemi principal de court terme : la France. Il caresse en outre l'idée d'une alliance avec la Grande Bretagne : tandis que cette dernière aurait la suprématie sur les mers, l'Allemagne aurait la suprématie sur la Terre. Bien sûr, il critique ses deux grands ennemis : le bolchevisme d'abord, destructeur de la Nation et ennemi de la Race, puis surtout les Juifs. Il commence d'abord par une pseudo étude historique ridicule de la place des Juifs et de leur soi disant entrisme parmi les cours princières et banques médiévales. Il explique que la juiverie est liée à la fois au capitalisme financier qui détruit et asservit les ouvriers allemands, mais également au bolchevisme. Le concept de judéo bolchevisme est au cœur de l'idéologie hitlérienne. Le Juif, même de bonne foi, ne peut échapper selon lui à l'entropie de sa race : l'asservissement, le métissage et la destruction de la race aryenne. Il n'y a donc qu'une seule solution : bouter les Juifs hors d'Allemagne. S'il n'y a pas écrit noir sur blanc qu'il faut les exterminer (malgré un passage troublant sur les douches de gazs), la graine génocidaire est déjà là. La pensée hitlérienne, accueilli avec mépris et sourire, d'une inhumanité rarement égalée, est pourtant celle qui sera à l'œuvre quelques années plus tard.
Le commencement du culte de la personnalité.
Adolf Hitler, s'il n'avait jusqu'en 1923 pas encore considéré sérieusement l'idée d'être le chef de la droite nationaliste, avait commencé à y croire et l'échec de son putsch va le convaincre encore davantage de son caractère formidable. Sincèrement convaincu de sa supériorité et de sa destinée, il se compare à Bismarck, à Frédéric Le Grand et même à Jésus. Il constate la bêtise de Ludendorff et décide concrètement de ne plus souffrir aucune concurrence. Sa mégalomanie naissante est d'autant plus claire que le 23 avril 1924, son 35ème anniversaire est fêtée par 3000 nazis réunis en clandestinité. Ce qui va le convaincre encore plus de son statut de chef incontesté, c'est la nullité des groupes racialistes. Le mouvement völkisch est en pleine désagrégation. Le fanatique Alfred Rosenberg, qui avait été un peu vite désigné comme chef du NSDAP avant sa dissolution, se révèle être un leader d'une piètre qualité. Il avait fondé le 1er janvier 1924 la Großdeutsche Volksgemeinschaft (GVG) destiné à remplacer le NSDAP mais en été, il est débarqué pour être remplacé par Hermann Esser et Streicher. Mais le GVG est concurrencé par le Deutschvölkische Freiheitspartei (DFVP) dirigé par Alfred Graefe qui récupère des nazis en son sein. Le DFVP s'allie au GVG même si le premier est dominant. Si Ludendorff plaide pour une fusion, Hitler la refuse mais finit par se retirer pour préparer sa libération conditionnelle. Les Nazis du Nord, représentés par Haase, refusent la fusion par détestation de Graefe. Pendant ce temps, Enrst Röhm, l'ancien chef des SA, tente de reconstruire un groupe paramilitaire, le Frontbann. Les 15 et 17 août 1924, le GVG et le DFVP fusionnent lors de la Conférence de Weimar pour devenir le NFSB. Pendant ce temps là, les résultats s'effondrent. Hitler se rend compte que, sans lui, ses séides se déchirent. Dans son esprit, seul un culte de la personnalité extrêmement sophistiqué, avec un serment de fidélité presque proto-médiéval, à l'image du leudesamio mérovingien, permettra d'unifier la droite. Sur ce plan, il n'aura pas tort. Mais il faudra d'abord éliminer Ludendorff, le seul concurrent sérieux d'Hitler sur ce plan.
LA RENAISSANCE DU POUVOIR HITLERIEN.
Renaissance du NSDAP.
Le 20 décembre 1924, Hitler est libéré. Alors qu'il avait été condamné à cinq années d'emprisonnement, il en aura fait un an et quelques mois. La clémence de la justice bavaroise est à ce stade particulièrement étonnante, mais ce n'est rien par rapport à ce qui va suivre. Adolf Hitler rencontre le Ministre-Président de la Bavière, Held, et le ministre bavarois de la Justice, Gürtner. Il promet de ne plus tenter de putsch (merci!), de respecter le légalisme, de condamner l'anticléricalisme de Ludendorff en échange d'une lutte commune contre le communisme, de la levée de l'interdiction du NSDAP et du Volkischer Beobachter. Cela lui est accordé. Après cette renaissance, Hitler appelle à la refondation du Parti et surtout insiste sur la nécessité d'une réconciliation. Pour entrer, il fallait redemander une carte. La SA devait rester sa seule force d'appui et de formation. Ernst Röhm, qui avait suivi une politique très différente en tentant de réunir d'autres groupes paramilitaires aux SA, va donc rompre avec Hitler et partir vivre en Bolivie. Hitler maintient le siège du Parti à Munich contre l'avis de Lüdecke qui avait souhaité le placer en Thuringe pour le rapprocher des Luthériens, ce qui aurait pu être logique tant on sait que Hitler a critiqué la religion catholique. Le 27 février 1925, à la Bürgerbräukeller, il met en scène son retour. Quelques absents sont assez notables : Ludendorff, Strasser, Röhm et Rosenberg. Max Amann, le plus fidèle de Hitler, ouvre la réunion. Adolf Hitler fait deux heures de discours, insiste sur la nécessité d'arrêter la discorde et appelle à la réunification derrière lui. Il exprime ainsi : Messieurs, qu'on me laisse désormais le soin de représenter les intérêts du mouvement. Je ne suis pas disposé à accepter la moindre condition dès lors que j'assume personnellement la responsabilité. Et, à compter de ce jour, j'assume la pleine et entière responsabilité de tout ce qui se passe dans ce mouvement. Cette citation sur la responsabilité rappelle très fortement ce qu'il écrivait dans Mein Kampf. Après le discours, dans une théâtralité étonnante, montent sur scène les anciens cadres qui s'étaient disputés : Esser, Streicher, Dinter, Buttmann, Feder et Frick. Chacun se serre la main. Cette scène rappelle la cérémonie du drapeau qu'Hitler mettra en place chaque année à Nuremberg ainsi que les prestations de serment qu'il organisera. Le lendemain, le hasard va lui donner la possibilité inouïe de mettre hors circuit son plus sérieux concurrent puisque le Président du Reich, Friedrich Ebert, va décéder d'une opération de l'appendicite mal aboutie. A sa succession, Hitler va pousser Ludendorff comme candidat. Il obtiendra 1,1% des voix et se mettra alors définitivement hors circuit. Ce coup de génie démontre que Hitler avait un véritable sens politique du timing, et notamment savait saisir les occasions pour opérer son ascension personnelle et qu'il croyait être dès 1925 inexorable. Le nouveau Président est Hindenburg, le chef de l'état major des armées de la Première Guerre Mondiale, l'un des héros de la Bataille de Tannenberg, qui a réuni la droite et est propulsé à la tête de l'Etat. Pendant ce temps, Hitler unifie les sections locales de Bavière mais au nord, les choses sont plus complexes.
La querelle de Bamberg et la consécration du pouvoir absolu d'Hitler.
Il y a indéniablement un NSDAP du sud et un NSDAP du nord. Tandis que le sud se soumet assez facilement à la réconciliation imposée par Hitler, le nord est beaucoup plus réfractaire. Les nordistes détestent Esser, Streicher et Amann puis haïssent très sincèrement le centralisme bavarois ainsi que le parlementarisme. Hitler charge le plus capable de ses politiciens, le moins antisémite également, le vieux Bavarois Gregor Strasser, un apothicaire diabétique lecteur d'Homère, d'une opération de séduction à l'égard du NSDAP du Nord. L'un de ces hommes du Nord, Josef Goebbels, activiste dans la Ruhr depuis 1924, était notamment séduit par l'idée d'une forme de "bolchevisme national". Issu d'une modeste famille catholique, il est inspiré par la gauche et le parti communiste, sincèrement persuadé, comme Strasser, que la question sociale fera progresser le nazisme, ainsi que la création d'un syndicat. Haïssant la bourgeoisie, contrairement au NSDAP du sud, Goebbels et les siens ont formé un Cercle destiné à remodeler le Parti et son programme. Leur projet était la création d'une nation allemande raciale intégrée au cœur d'une Union douanière centre-européenne, appelée à servir de base à des Etats-Unis d'Europe. Plus que cela, c'était un vrai Etat corporatiste, avec une agriculture attachée au sol et un contrôle public des moyens de production sans pour autant remettre en cause la propriété privée qui était envisagé. Très vite, la querelle se fait très radicale. Le 14 février 1926, Hitler se rend en Franconie et convoque à Bamberg 60 dirigeants. Il clarifie sa position opposée au Cercle : il faut une alliance avec la Grande-Bretagne et l'Italie, combattre la Russie bolchevique, créer une politique coloniale en Europe et ne pas exproprier les grandes propriétaires et les Princes. Goebbels, furieux, dira d'Hitler que c'est un ignoble réactionnaire. Pourtant, Hitler fera preuve d'intelligence en nommant Strasser en qualité de chef de la Propagande et convoque Goebbels à Munich, lui faisant un discours d'honneur. Hitler ne voulait pas de bagarre de dogmes, il disait Le Nouveau Testament fourmille lui aussi de contradictions. Cela n'a pas empêché l'essor du christianisme. Il lui promet la place de Gauleiter de Berlin. Goebbels, complètement séduit, ne critiquera plus jamais Hitler et sera l'un de ses plus fidèles serviteurs. Puis vient la consécration à Weimar, ville symbolique s'il en est, les nouveaux statuts font de lui le chef total, le Führer du NSDAP. En avril 1925, il fonde les Schutzstaffel (SS), garde rapprochée et élitiste. Ceux là sont des hommes féroces mais plus politisés, plus idéologues, plus présentables, que les SA. Hitler est également en train de parfaire son culte de la personnalité en se repliant avec distance avec Julius Schaub, son homme à tout faire, et son secrétaire, Rudolf Hess. Le choix des habits se fera plus exigeant, son art oratoire s'améliore encore, il pratiquait un théâtre permanent et surtout s'acheta un domaine éloigné : l'Obersalzberg, la Haus Wachenfeld. Son nid d'aigle. Tandis qu'il règne en maître, déléguant à Amann les finances, à Strasser la Propagande et Bouhler le Secrétariat, il commence à expérimenter le darwinisme social, laissant les forts dominer les faibles, en appelant à l'initiative privée en destination du Führer. C'est ainsi qu'Heinrich Himmler, ancien éleveur de poulet, devient Adjoint à la Propagande. Pour autant, malgré cette émulation interne, le NSDAP est au point de vue national encore totalement minoritaire, à peine signifiant.
Le choc de la crise de 1929 et l'explosion du NSDAP
En 1928, récoltant 2,6% des voix au Reichstag et 12 sièges de Députés, Hitler a conscience de la faiblesse de son Parti. Même si Goebbels estime que le loup est entré dans la bergerie, force est de constater que c'est peu, bien trop peu. Hitler remplace Strasser à la Propagande et décide d'opérer à un grand changement de cap. Estimant que le marxisme a trop corrompu l'esprit des ouvriers, et que ce n'était plus un électorat à séduire, il renverse la vapeur pour séduire avant tout les petits propriétaires fonciers et les paysans. Il vise également les employés et les boutiquiers, ceux qui possèdent du capital. Mais la crise de 1929 commence et va donner à Hitler la chance de sa vie. L'agriculture tombe dans la crise, l'endettement explose, les faillites et les ventes forcées deviennent monnaie courante et les Patrons de la Ruhr licencient sans état d'âme 230 000 ouvriers sidérurgistes. Avant même le krach boursier, il y a 3 millions de chômeurs en Allemagne. Sur le plan politique, le Chancelier du Reich est un socialiste et s'appelle Hermann Müller (il faut bien distinguer le Chancelier qui est le chef du Gouvernement et le Président, Hindenburg, qui est le chef d'Etat). Sa coalition commence à prendre l'eau à cause d'une sombre histoire de croiseur. Pendant ce temps, la crise apporte à Hitler des adhérents : ils sont désormais 108 717. Des groupes sociaux qui n'avaient jamais sérieusement envisagé le NSDAP commencent à se tourner vers lui. La Fédération des Etudiants Nazis, dirigée par Baldur Von Schirach, le fait même connaître dans la jeunesse. C'est dans la paysannerie que le progrès est le plus flagrant. Hitler semble mettre son antisémitisme de côté et remettre la question sociale au centre de son discours. Avec l'étonnant travail d'Himmler, les nazis saturent les Landers de propagande et affrontent les communistes sur leur terrain. La Saxe donne 5% de voix aux nazis, le Mecklembourg 4% et la Bade 7%. Cobourg a même un conseil municipal totalement nazi. Sur une pente clairement ascendante, le NSDAP ne dépasse cependant pas la barre des 8%, ce qui est faible. En réalité, ce sont les conservateurs qui vont donner à Hitler une chance inouïe de gagner en popularité. Alors que le Plan Young concernant les réparations vient de faire scandale dans le pays, Alfred Hugenberg, ancien directeur de Krupp et conservateur violent mais populaire, décide d'inviter les principaux chefs conservateurs du pays pour appeler à l'organisation d'un référendum. Si ce référendum n'aura pas grand succès (il ne sera approuvé que par 13,8% des électeurs), il met sur le devant de la scène Adolf Hitler, chef du NSDAP, aux côtés du magnat de l'Industrie Fritz Thyssen, le racialiste von der Goltz mais aussi des figures de la droite allemande comme Franz Seldte, Theodor Duesterberg et Heinrich Claß. Fort de ce succès, le Congrès du Parti de Nuremberg qui a lieu entre le 1er et le 4 août 1929 amène des soutiens impressionnants avec 35 convois spéciaux, 25 000 SA, 1300 membres des Jeunesses Hitlériennes et 40 000 personnes. C'est colossal. Et quand arrive le krach boursier avec son lot de misères et de chômage, le NSDAP est en passe d'arriver à son zenith. Les élections régionales donnent de bons résultats et en Thuringe, le NSDAP atteint le score de 11% ainsi qu'un poste à l'Intérieur et à l'Education pour Frick (il sera démis un an plus tard). En Saxe, le score atteint même 14,4%. Les Nazis font de l'entrisme partout et attirent de plus en plus les notables qui voient dans le NSDAP un parti de droite authentiquement anti-marxiste. Et tandis qu'il passe pour les notables comme un parti de droite, les paysans, boutiquiers, petits employés et certains ouvriers y voient le meilleur parti anticapitaliste. Les fonds affluent ainsi que les meetings. Et plus le parti s'enrichit, plus il se droitise. Müller, le Chancelier Socialiste, finit par démissionner à cause d'une sombre histoire de cotisations patronales. Le 30 mars 1930, Hindenburg choisit de nommer Brünning du Zentrum (Centre) au Gouvernement. Mais voulant réduire les dépenses publiques, il se retrouve devant le mur du Reichstag et le SPD (Parti Socialiste) vote une motion de censure. Brüning, voulant une majorité de droite, réussit à convaincre Hindenburg de dissoudre le Parlement. Sans le savoir, c'est un cadeau en or fait aux Nazis.
LA CONQUÊTE DU POUVOIR.
Le Parti Nazi, deuxième Parti d'Allemagne.
Après une campagne orchestrée par Josef Goebbels, pendant laquelle les Chemises Brunes, en référence aux Chemises Noires fascistes, défilent dans toutes les villes d'Allemagne, après vingt discours d'Hitler partout dans le pays, durant lesquels il fustige la pourriture des partis traditionnels, le Plan Young, la détresse sociale ainsi que l'incapacité des Parlementaires à résoudre le chômage tout en passant sous silence son antisémitisme, Hitler lâche son meilleur mantra : les partis défendent des intérêts particuliers, lui, en revanche, représente l'intérêt national. Le résultat est sans appel : le NSDAP obtient 18,3% des voix (6 millions d'électeurs) et devient le deuxième Parti d'Allemagne. Il octuple son score de 1928. Si le SPD restait le premier Parti d'Allemagne, bien qu'en baisse, le KPD (Parti Communiste) obtient un bon score ainsi que le Zentrum. La droite traditionnelle, elle, s'est effondrée : le DNVP obtient 7% des voix et le DVP 4,7%. La sociologie du vote nazi se situe clairement à droite, et notamment chez les paysans protestants du nord et de l'est de l'Allemagne. A l'inverse, les catholiques du sud ont peu voté nazi, au sud et en ville. Si les ouvriers n'ont pas voté nazi, et plutôt communiste, c'est la classe moyenne qui est séduite par le nazisme. Le bon score augmente encore plus la vague d'adhésions, ainsi que les petits dons qui en résultent, notamment parmi les jeunes et surtout parmi les intellectuels, les notables et les pasteurs. Par cette victoire, Hitler assure sa notoriété sur la scène nationale et sur la scène internationale, surtout grâce à Putzi qui le met en lien avec la presse anglo-saxonne dans une optique de séduction. Mais Hitler ne gouverne pas. Le SPD s'est allié avec le Zentrum. Brüning reste Chancelier. Hitler semble s'apaiser. Lors des procès de Ludin, Sheringer et Wendt, il assure vouloir respecter la Constitution pour la réformer ensuite : la voie légale, rien que la voie légale, jure-t-il. Sa cible est désormais le Zentrum et Brüning, il lancera des campagnes de propagande assez terribles. Brüning, lui, gouverne par décret d'urgence pour gérer une crise économique de plus en plus catastrophique. En effet, deux banques allemandes ont fait faillite. Il semble que l'ascension soit inéluctable.
La Crise nazie.
Mais le légalisme soutenu par Hitler provoque une crise grave parmi les SA qui y voient une attaque personnelle et deviennent incontrôlable. Leurs actions violentes menacent même l'existence du NSDAP qui peut encore être dissous. En 1931, Ernst Röhm revient de son exil en Bolivie et reprend les SA bien en main. Son retour en grâce va permettre à Hitler d'échapper à une grande catastrophe politique, voire à une dépossession de sa force paramilitaire qui est, du point de vue de la propagande, comme du point de vue de la puissance, un atout clef pour l'ascension suprême. Stennes est exclu et la crise des SA semble être calmée. Mais Hitler va vivre dans la foulée un drame personnel d'une rare violence. En effet, Hitler vivait avec Geli (Angela), sa nièce, avec qui il aurait eu une histoire passionnée. L'Histoire ne dit pas si cette relation contenait une quelconque dimension charnelle et finalement peu importe : elle était indéniablement passionnée et un poil toxique. Hitler semblait jaloux, avait même viré son fidèle chauffeur, Emil Maurice, car il aurait tenté de la séduire, et exigeait d'elle une loyauté très forte. Il semblait très attachée à elle et était souvent présente à ses côtés lors des réunions politiques pour divertir les cadres. Mais, alors qu'elle s'était disputée avec Hitler parce qu'elle comptait partir pour Vienne, elle se suicide chez lui alors qu'il est absent, ce qui plonge Hitler dans un inconsolable chagrin. Ce drame personnel, qui a bien failli faire démissionner le Führer en devenir, a été également instrumentalisé par la presse d'opposition qui sous-entendait qu'Adolf avait des pratiques incestueuses, ce qui n'était pas sûr bien que franchement ambiguë pour le coup. Mais sa rencontre avec Eva Braun, via son photographe Hoffman, va semble-t-il apaiser le Führer. D'ailleurs, la ressemblance entre les deux femmes est frappante. Il se rendra quelques années plus tard sur sa tombe et ne semblera jamais totalement l'oublier. Faut-il en tirer une quelconque conséquence politique ou philosophique ? Nous nous en tiendrons à la réponse négative : le deuil est chose fréquente chez un individu. Elle ne préfigure rien de bien particulier. Il faut dissocier la vie privée ici de la vie publique. Pendant ce temps, Hitler est approché par le machiavélique Hugenberg, le chef du DNVP, le même qui lui a donné l'occasion d'être visible dans les médias, et par Franz Seldte. Il sera notamment invité à une sorte de gala, le "Bad Harzburg", pour rencontrer des industriels. Ce n'est pas cependant très concluant. Si certains industriels, comme Thyssen, sont séduits par le Parti nazi, il n'en va pas de même de la majorité d'entre eux, qui y voient encore un parti trop proche des intérêts ouvriers.
Election présidentielle et victoire éclatante au Reichstag.
En 1932 a lieu l'élection présidentielle au suffrage universel du Chef d'Etat Allemand. Hindenburg se présente très naturellement à sa succession, soutenu par une large partie des partis de droite. Seul le fameux Hugenberg, décidément bien présent, envoie un quasi inconnu, Theodor Duesterberg, représenter les couleurs du DNVP. Les communistes du KPD, eux, envoient Ersnt Thälmann. Hitler, lui, se présente en tant que candidat du NSDAP. C'est d'ailleurs à cette occasion, et l'évènement est mal connu, qu'il acquiert enfin la nationalité allemande. Alors très populaire, Goebbels organise, et c'est inédit, une campagne électorale en avion ce qui crée très franchement l'évènement. Le SPD, conscient de la possibilité d'une victoire d'Hitler, ne présente pas de candidats, et appelle à voter Hindenburg. Ce dernier arrive en tête au Premier Tour avec 47% des voix. Hitler, lui, fera un score plutôt décevant, car il obtiendra 30% des voix. Mais lors du deuxième tour, il fera beaucoup mieux et obtiendra le score ahurissant de 37% des voix, à savoir 13 millions d'électeurs. Pour autant, Hindenburg est réélu avec 53% des suffrages exprimés. Le 29 mai, Hindenburg limoge Brüning du Zentrum pour nommer son favori, Franz Von Papen, un homme de droite et ancien diplomate, premier Ministre. Des élections sont organisées au Reichstag et l'été est ultra violent. Les affrontements entre SA et militants communistes causent la mort de presque 100 personnes dont 17 ont été clairement assassinées. Toute l'année, ces affrontements auront lieu si bien que la peine de mort sera rétablie pour les assassinats politiques. Mais le 31 juillet, la chose est sans appel : le NSDAP devient le premier Parti d'Allemagne avec 37,4% des voix. Les partis de droite bourgeois se sont effondrés ainsi que le SPD. Seul le KPD et le Zentrum tiennent encore la route. La tradition aurait voulu qu'Hindenburg nomme Hitler Chancelier mais il ne le fera pas, ayant un profond mépris pour celui qu'il estime être un homme intolérant. Il lui fait comprendre de visu qu'il ne lui donnerait pas la Chancellerie et que s'il n'accepte pas de figurer dans un gouvernement avec un Chancelier plus raisonnable, il pourra toujours être dans l'opposition. Pendant ce temps, un homme de droite, Schleicher, pressenti pour devenir le futur Chancelier, essaie de séduire Hitler en lui proposant quelques ministères. Mais Hitler ne va jamais accepter une telle chose : pour lui, c'est la Chancellerie ou rien. Cette posture intransigeante aurait pu lui coûter très cher, mais il tient bon. A ce stade, il y a deux solutions possibles : ou bien une alliance avec le Zentrum de Brüning, ce qui parait impossible, ou bien admettre de rester dans l'opposition. Ce moment de grande tension va même pousser von Papen à proposer à Hindenburg une forme de coup d'état juridique, que ce dernier va accepter. Dissoudre le Parlement et ajourner les élections plus de trente jours, ce qui est purement inconstitutionnel, pendant que von Papen gouverne dans une forme de cabinet de combat. Cette stratégie aurait pu marcher mais Göring, qui a été élu Président du Reichstag, empêche le dépôt de l'ordre de dissolution en faisant voter une motion de censure qui renverse le Gouvernement. L'ordre de dissolution est donc caduque. Tel est pris qui croyait prendre.
La crise de la défection ou le machiavélisme de Schleicher.
Les nouvelles élections sont terriblement décevantes pour les Nazis. La presse ne lui est pas favorable en raison des agissements des SA qui inquiètent les bourgeois et aussi en raison d'un manque cruel de fonds. Le NSDAP perd deux millions d'électeurs et ne fait que 33,1% des voix. S'il reste le premier Parti d'Allemagne, ses opposants reprennent des couleurs. Pour autant, Von Papen, soutenu que par 10% des voix, va démissionner et Schleicher est nommé Chancelier par Hindenburg qui, alors même qu'il a reçu un courrier de quelques industriels pour nommer Hitler, se refuse toujours à céder. Schleicher, politicien habile, a une idée de génie pour faire plier les Nazis. Il compte débaucher un nazi, Gregor Strasser, ainsi que 60 Députés nazis, pour rentrer dans son gouvernement et ainsi faire un coup de Trafalgar au Führer. Le 8 décembre 1932, Strasser démissionne du Parti Nazi et ce avec le soutien des syndicats qui accueillent favorablement le vieux Gregor. On lui a proposé le poste de Vice Chancelier du Reich. Strasser envoie en outre une lettre à Hitler lui faisant part de ses désaccords politiques avec lui. Mais Hitler réussit à colmater la brèche après une réunion de crise avec Goebbels, Himmler et Röhm. Très vite, chaque Gauleiter, chaque inspecteur régional, chaque Député est sondé et sommé de faire son serment de fidélité à Hitler. La stratégie Strasser a échoué. Les négociations capitales se feront chez le riche Von Ribbentrop, un nazi récent, qui invitera von Papen et de nombreux dirigeants de droite pour négocier d'une alliance avec Hitler. Mais ce dernier est clair : il lui faut la Chancellerie, d'autant plus que les élections dans la Lippe, petit Etat allemand de 173 000 habitants, lui offre 39,5% des voix. Pendant ce temps, Schleicher est lâché par Hugenberg du DNVP, qui lui reproche de ne pas avoir mis de droits de douane élevés pour protéger l'agriculture allemande. En réalité, Hugenberg est terriblement vexé qu'on ne lui offre pas l'Economie et rejoint les négociations avec le NSDAP! Schleicher, très paniqué, tente de convaincre Hindenburg de tenter un coup d'Etat à l'image de ce que Von Papen avait tenté, mais le Président, cette fois, le lui refuse. Pendant ce temps, les conservateurs et les nazis parviennent à se mettre d'accord. Hitler aura la Chancellerie et Von Papen la vice-chancellerie. Des fidèles d'Hindenburg, Neurath et Von Blomberg, garderont respectivement les Affaires Etrangères et la Défense. Schwerin von Krosigk aura les Finances et Eltz-Rübenach les Postes et Transports. Hugenberg aura l'Economie et son fidèle Seldte le Travail. Hitler n'exige que le poste de l'Intérieur qu'il offre à Frick et offre à Göring le poste d'adjoint à l'Intérieur en Prusse (alors en crise). Sa dernière exigence est qu'un ordre de dissolution, provoquant de nouvelles élections destinées à conserver sa légitimité, soit signé par Hindenburg. Il ne reste plus qu'à le convaincre. C'est von Papen, son ami, qui parviendra à faire plier le Président qui aura cette citation lourde de sens : Et maintenant, messieurs, que Dieu vous accompagne. Le 29 janvier 1933, Hitler est nommé Chancelier d'Allemagne. Il y est arrivé. Mais il ne s'agit certainement pas du triomphe de la volonté. C'est la bêtise des conservateurs qui, par cynisme ou calcul politique, ont offert à Hitler le pouvoir. C'est aussi la bêtise du SPD et du KPD qui n'ont pas voulu s'allier. Hitler est arrivé au pouvoir à cause des politiques allemands. Il est également arrivé au pouvoir par le suffrage universel qui n'a été que croissant pour le NSDAP, signe s'il en est, que les Allemands aspiraient à voir les Nazis gouverner. Hitler a été élu démocratiquement.
HITLER AU POUVOIR : 1933-1939.
Dès 1933, après la fameuse Marche aux Flambeaux organisée par Goebbels dans l'Allemagne entière par des SA fanatisés, Hitler est donc le chef de gouvernement de l'Allemagne. Dans son cabinet, il n'y a que des conservateurs autour de lui. Ces derniers, soit le méprisent, soit croient pouvoir le manipuler, estimant que Hitler est au bas mot un abruti. Lourde erreur.
La marche vers le parti unique.
Hitler a d'abord profité de la bêtise de Von Papen. Ce dernier avait sans le vouloir ouvert une porte énorme vers l'inconstitutionnalité en dissolvant le Gouvernement de la Prusse. De ce fait, Hitler a toute la main pour, via Göring, nettoyer et terroriser les opposants dans la Prusse très socialiste et communiste. Göring promet notamment de couvrir tout policier qui ferait usage de son arme et de virer ceux qui auraient des états d'âme. La cible est bien sur le KPD mais déjà certains Juifs sont persécutés par la police prussienne de Göring : on dénombre en avril 25 000 personnes en détention provisoire en Prusse. Mais Hitler va mettre au pas également tous les Länder, et mettre fin au fédéralisme allemand. Wilhelm Frick, son Ministre de l'Intérieur, va édicter le décret "pour la protection du Peuple et de l'Etat" permettant d'intervenir directement dans les affaires régionales, ainsi que de pouvoir revenir sur certaines libertés fondamentales pourtant inscrites dans la Constitution, telles que la Liberté d'expression et d'association, la liberté de la presse et le respect des communications pour protéger les citoyens. Là encore, la cible est évidemment le KPD. Dans ce qui a été cyniquement appelé la politique de coordination, la Gleichschalthung, Hitler va créer des commissaires du Reich chargés d'appliquer dans les Länder la politique nazie. En Bavière notamment, sous l'égide d'Himmler et Heydrich, c'est pas moins de 10 000 personnes qui seront arrêtées, et notamment des socialistes et des communistes. Cette politique ultra-répressive de droite va être particulièrement appréciée par l'opinion publique, surtout quand on prend en compte le niveau de la délation. C'est évidemment l'évènement du 27 février 1933 qui va précipiter encore davantage les choses. Un jeune communiste, Marinus von der Lubbe, met le feu au Reichstag pour viser ce que Hitler avait appelé le gouvernement de concentration nationale. C'est ce qui va mettre le feu au poudre. Le 4 mars 1933, le NSDAP obtient 43,9% des voix aux élections. La droite partenaire, insignifiante, obtient 8% des voix et le Zentrum 11,2%. Quant à la gauche, le SPD obtient 18,3% des voix et le KPD 12,3%. Le 1er mai, le jour de la fête du Travail, Hitler va dissoudre tous les syndicats ainsi que le KPD. Alors que le SPD, avec à sa tête Otto Wels, avait fait preuve d'un certain courage physique en votant contre Hitler au Reichstag, il est lui aussi dissous et Wels s'enfuit à Prague. Il était une chose de dissoudre le KPD, il en est une autre de dissoudre le SPD. Tous les partis allemands, en panique, s'auto-dissolvent, y compris la droite. Hugenberg finit par s'enfuir à Londres et son DNVP est interdit. Les partis catholiques sont dissous et finalement, le BVP et le Zentrum s'auto-dissolvent à leur tour, si bien que le 4 juillet 1933, il ne reste plus qu'un seul Parti en Allemagne : le NSDAP. Même le Front National Allemand, allié des Nazis, s'est dissous pour laisser la place aux nazis. En l'espace de 6 mois, Hitler a mis fin au fédéralisme et au pluralisme politique. Quant à Hindenburg, il est tellement faible qu'il en est presque gâteux. Lors de la cérémonie du Jour de Potsdam, Hitler avait manipulé le vieil homme en flattant, avec l'aide de Goebbels, l'âme prussienne, en promettant qu'il ne toucherait ni au Reichstag, ni au Reichsrat, ni au Président, ni aux Länder, ni aux Eglises. Belle promesse en l'air.
L'ébauche d'une politique ultra-droitière.
La première priorité d'Hitler dans les premiers mois de sa politique, outre la politique de lutte contre le marxisme, a été le réarmement. Son objectif était de contourner l'interdit du Traité de Versailles, et pour cela, il s'est appuyé sur le Directeur de la Reichsbank, Hjalfar Schacht, qui par un système d'escompte a pu lui apporter 35 milliards de marks pour 8 ans. Si Hitler était mauvais en économie, il s'est appuyé sur des talents comme celui du Secrétaire d'Etat aux Finances Fritz Reinhardt, qui a mis au point un plan de relance très exigeant mettant en lien des fonctionnaires, des banquiers, des planificateurs et des industriels. Un vaste programme de travaux publics, notamment visant les autoroutes, déjà présents avant grâce à la République de Weimar, permet à l'Allemagne de sortir de son marasme économique, de ralentir la récession et donc de résorber le chômage. Il faut savoir que l'Allemagne partait de loin et avait le même niveau de vie que l'Afrique du Sud, faisant se côtoyer une certaine prospérité urbaine avec une grande pauvreté rurale. Hitler est connu notamment pour avoir impulser et flatter l'industrie automobile avec le lancement du plan "Opération Autoroutes du Reich" et la création de la fameuse Volswagen. Mais ces bons résultats économiques avoisinent une politique souverainiste et nationaliste. Ainsi, Hitler tente de mettre au pas les Eglises en unifiant les Eglises protestantes au sein d'une Eglise du Reich, mais cela s'avère être un échec, autant que le concordat négocié avec l'Eglise catholique. Sur le plan international, le 14 octobre 1933, Hitler se retire comme le Japon des discussions de Genève ainsi que de la Société des Nations, ce qui crée un véritable tollé européen. Pour autant, ce retrait a été plébiscité par les Allemands à hauteur de 95,1%. Mais déjà, la politique d'Hitler se fait profondément inhumaine. Dès mars 1933, un jour de boycott des commerces juifs est organisé. On exclut de la fonction public tous les Juifs (sauf ceux décorés de la croix de fer à la demande d'Hindenburg) ainsi que les opposants politiques. Les lois d'avril 1933 mettent les Juifs à l'écart des carrières juridiques, limitent le nombre d'enfants juifs dans les écoles et interdisent aux médecins juifs de soigner les allocataires de l'assurance maladie. Malgré le tollé international, et la fuite de beaucoup de juifs allemands en 1933, Hitler ne ralentit pas la cadence antisémite. L'une des lois les plus horribles est sans doute celle du 14 juillet 1933, qui ordonne la stérilisation de tous les malades héréditaires. Von Papen avait voulu l'amender en la limitant aux malades qui consentaient, ce que Hitler avait accueilli avec un éclat de rire. 400 000 personnes seront stérilisées de force en vertu de cette Loi : une horreur. Déjà, Hitler applique les préceptes de Mein Kampf relatifs aux faibles et à la question juive. Et ce n'est que le début.
En marche vers le pouvoir absolu et totalitaire.
A ce stade, Hitler, bien que Chancelier d'un pays ultra répressif sans pluralisme, n'a pas encore le pouvoir absolu. Il a de nombreux ennemis dans le pays. Hindenburg est toujours le Président du Reich. Et surtout il doit compter sur une puissance extrêmement déstabilisante, qui le coupe d'ailleurs du soutien total de l'armée allemande régulière : les SA. Ces derniers font régner la terreur dans le pays alors même que la Reichswehr de Blomberg veut faire confiance en Hitler. Ernst Röhm est aussi un ennemi potentiel pour Hitler. Si Röhm choisit de faire tomber Hitler, comme il le laisse entendre en parlant de deuxième révolution nécessaire, il n'a qu'à monter ses SA contre lui et ça, Hitler en a bien conscience. Pire encore, il n'a plus besoin des SA! Ils étaient très utiles pour arriver au pouvoir, mais maintenant qu'il y est, ils ne sont plus qu'un vaste poids. Hitler leur préfère ses SS, plus civilisés selon lui et plus fiables. Les industriels, les bourgeois et les protestants, bien que pro-nazis, répugnent à la vue de la violence et associent les SA à cette dernière. Il faut ajouter à ce contexte que Von Papen, qui commence à craindre Hitler, a soufflé l'idée à Hindenburg que si les SA ne se calmaient pas, le Président pouvait prendre les pleins pouvoirs. Hitler a donc décidé d'éliminer les SA la nuit du 30 juin 1934 restée dans la postérité comme La nuit des longs couteaux. Röhm et un certain nombre de SA sont arrêtés, et Heines, un proche de Röhm, est même surpris au lit avec un autre homme. Goebbels va instrumentaliser l'homosexualité de Röhm et de certains SA pour se rallier l'opinion publique allemande. Hitler, sur ce sujet, va même parler de la pire trahison de l'Histoire du monde, ni plus ni moins. Pourtant, Hitler était bien au courant de cette homosexualité. S'il la condamnait publiquement, il se moquait bien de celle ci quand Röhm était encore un allié précieux. Cette condamnation morale est donc un peu hypocrite. Quoiqu'il en soit, Hitler fait exécuter six SA et force Röhm à se suicider le 1er juillet. Cette même nuit, d'anciens comptes sont également réglés. Gregor Strasser, le traître du NSDAP, est conduit au siège de la Gestapo, la police politique d'Hitler, et est abattu. Schleicher et sa femme sont assassinés chez eux. Von Kahr, l'ancien Ministre-Président de la Bavière, est également poignardé à mort. Lütze, le nouveau chef des SA, épure la force paramilitaire de 40%. Le problème est tellement réglé que Blomberg et Hindenburg félicitent Hitler qui s'empresse de se justifier au Reichstag de ces assassinats en les faisant valider par une loi rétrospective le 13 juillet. Les ennemis de Hitler sont donc définitivement mis hors service. En août, Hindenburg décède. Hitler se fait donc offrir le titre de Chef d'Etat, de Führer et Chancelier du Reich, ce qui fait de lui le maître de l'Allemagne. 89,9% des Allemands approuveront ce changement par plébiscite. Le régime totalitaire est installé.
Les rouages de l'Etat totalitaire Hitlérien.
Hitler va mettre en place un système de totalitarisme bien différent, comme il avait été dit en préambule, de celui de Staline. D'abord, il ne va pas purger tant que cela. Ensuite, il va laisser régner une certaine anarchie dans son administration en laissant délibérément des domaines de compétence se chevaucher afin de faire émerger un darwinisme social avancé : le plus fort impose ses vues au plus faible. En cas d'arbitrage nécessaire, il se charge de prendre la décision. Hitler appelle ses fonctionnaires et les Allemands à œuvrer dans son sens, dans la direction du Führer, en dénonçant des opposants ou même en proposant des projets de loi. Alors que Staline abattait toute personne qui avait eu l'audace de prendre une initiative, Hitler, lui, félicitait ses fonctionnaires et validait rétrospectivement les initiatives prises, fussent-elles cruelles. Globalement, petit à petit, le gouvernement collectif s'érode peu à peu et le culte de la personnalité du Führer devient de plus en plus fort. Hitler prend de la hauteur, intervient beaucoup moins publiquement et se préoccupe davantage de préparer ses discours propagandistes ou de parler d'architecture avec son ami, Albert Speer. La Police Politique, la Gestapo, est placée sous l'autorité de Heinrich Himmler et prendra de plus en plus de place. Les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Frick et Gürtner, tenteront de mettre fin à l'absolutisme de la Gestapo mais sans succès. L'un des adjoints d'Himmler, le terrible Heydrich, est également de la partie. Ce sont eux qui s'occupent de mettre dans les camps de concentration les opposants politiques, majoritairement de gauche. Le NSDAP, lui aussi, a un rôle à jouer dans le totalitarisme d'Hitler. Dirigé par Rudolf Hess, c'est une énorme machine à idée et largement désorganisée. Ses Gauleiter territoriaux vivent dans une relative anarchie, là encore dans l'optique de laisser de la liberté aux subalternes pour accoucher de projets de loi. Le NSDAP dispose en outre d'un droit de veto sur les lois ministérielles, surtout sur deux zones : la question raciale et la question religieuse. Il y a donc bien une dualité entre le Parti et l'Etat, même si les deux vont tendre à ne plus être qu'un. La jeunesse, elle, est prise en charge par les Jeunesses Hitlériennes ce qui permet un véritable lavage de cerveaux pour les jeunes allemands, garçons et filles, la distinction entre les sexes étant claire : la femme est destinée à pondre des jeunes aryens, et les garçons, eux, sont destinés à se battre pour la préservation de la race. Les rapports avec la religion sont complexes. Tandis que la base du NSDAP, très inspirée par Nietzsche et le fascisme italien sur cette question, est très anticléricale, considérant que le christianisme en général, et le catholicisme en particulier, est une faiblesse, car elle prône la charité et l'égalité, Hitler, dès 1937, va tenter d'apaiser les choses, au grand désespoir de Goebbels.
Une politique résolument antisémite.
Evidemment, l'obsession d'Hitler pour le judéo-bolchevisme et la question juive, ainsi que de sa base, et notamment du trio Goebbels/Himmler/Heydrich, va mener à une campagne antisémite terrible. Il y a trois grands moments antisémites dans la première partie du pouvoir d'Hitler : 1933, 1935 et 1938. A ces trois dates, il y a trois grandes vagues de terreur destinées à terroriser la population juive en organisant des boycotts, voire des agressions physiques. L'objectif hitlérien est le suivant : en faisant peur aux Juifs, on les force à émigrer. L'idée d'une remigration forcée par la terreur est très en vogue notamment au sein de la Gestapo, qui s'est d'ailleurs dotée d'un Bureau "Juifs" conduit par Adolf Eichmann. Mais si beaucoup, dès 1933, avaient émigré partout en Europe, une bonne part de Juifs restent vivre en Allemagne. Tandis que certains avaient rêvé d'envoyer les Juifs restant à Madagascar, d'autres, comme Eichmann, caressaient l'idée de les installer en Palestine. Malgré tout, il semble que l'idée du génocide n'ait pas été encore pensé à cette époque. La priorité était laissée à la remigration à ce stade. En 1935, Goebbels pousse Hitler à prendre des mesures plus radicales pour remobiliser la base sur la question antisémite. Ce dernier semble s'être opposé un temps à ce radicalisme. En effet, Hitler ainsi qu'un certain nombre de nazis bourgeois, dans l'optique des Jeux Olympiques de 1936, et voulant rassurer les Allemands qui, même s'ils soutenaient l'antisémitisme d'Etat, répugnaient à la violence, avait voulu retarder la prise de position. Pourtant, un lobby antisémite très puissant mené par Schacht et Goebbels réclamaient plus. L'objectif de ce lobby est le suivant : priver les Juifs des droits civiques et interdire les mariages mixtes entre Juifs et non-Juifs. Il y a une vraie tension sur cette question, d'autant plus que certains, au sein du gouvernement, estiment que de telles mesures seraient mauvaises pour l'économie. Une ligue de médecins, notamment menée par le Docteur Gerhard Wagner, milite néanmoins pour la préservation de la race aryenne. Mais les juristes se heurtent à plusieurs questions. D'abord, comment définir la judéité ? Ensuite, est ce que les personnes issues d'une union mixte, appelées les Mischlinge, doivent être frappées de ces interdictions? Les plus extrémistes demandent même que les "quarts" de Juifs soient également visés. Il semble y avoir un consensus incroyable dans toute la population pour faire avancer ce débat, au sein de la justice, du peuple, de la police et de l'administration. Tandis que Frick et Gürtner essaient de proposer en 1935 un projet de loi, Hitler le refuse, le trouvant trop modéré. Le Führer semble avoir été convaincu par les plus radicaux. Ainsi, la privation des droits est actée ainsi que l'interdiction des mariages mixtes. Sont concernés les juifs, les "trois-quarts" juifs et même les Mischlinge sous certaines conditions. On interdit en outre aux Juifs d'employer comme domestique une Allemande de moins de 45 ans, faisant foi aux vieilles rumeurs écœurantes selon lesquelles les Juifs violeraient des Allemandes. Mais après les Lois de Nuremberg de 1935, Hitler semble se calmer surtout pour les JO. Mais en 1938, une vague antisémite des plus horribles va balayer l'Allemagne. On a surnommé cet évènement La Nuit de Cristal. Si les responsabilités ne sont pas claires, et que Goebbels semble de nouveau avoir été un des instigateurs, les dommages économiques font hurler Göring et choquent toute l'Allemagne. L'image des synagogues en flamme ainsi que des vitrines brisées resteront une honte totale pour l'Humanité. Après cet évènement, le décret du 17 août 1938 force les Juifs à porter sur leur passeport les noms d'Israël et de Sarah. Le 5 octobre, ils devront tamponner un J sur ce dernier. Pire encore, les SS auront bientôt l'autorisation de former un 4e corps armée destiné à faire office de soldats politiques. Les SS pourront bientôt accompagner la Wehrmacht et s'occuper de la purification raciale et politique des zones conquises. Le sort des Juifs semble malgré tout scellé dès 1938. Hitler écrit au Premier Ministre Tchécoslovaque : Les Juifs d'ici seront anéantis. Les Juifs n'ont pas provoqué le 9 novembre 1918 impunément. Ce jour là sera vengé.
La reconstruction militaire et diplomatique de l'Allemagne.
Quand Hitler devient Chancelier, l'Allemagne n'est pas menaçante. Mais Hitler veut réarmer et ses anciens ennemis, la Grande-Bretagne, la France et l'Italie, ne sont pas dans des excellentes dispositions envers l'Allemagne nazie antisémite. Tandis que les deux premiers s'émeuvent pour des raisons humanitaires, l'Italie mussolinienne méprise au départ Hitler, une sorte de pâle copie du régime fasciste italien à peine armé et surtout un ennemi pour la sphère d'influence italienne. En effet, Hitler regarde avec des yeux plus que doux l'Autriche, sa terre natale, et n'a pas cessé de penser au grand idéal pangermaniste. En 1935, les Allemands font assassiner via le NSDAP autrichien, Dolfuss, qui avait tenté d'installer un fascisme authentiquement autrichien. Quant aux relations avec l'URSS, l'ennemi idéologique d'Hitler, n'en parlons pas : l'URSS a signé en 1934 avec la Tchécoslovaquie et la France un accord d'assistance. En réaction, Hitler signe avec la Pologne un accord de non agression. Il inflige également un camouflet à la France en réintégrant la Sarre au Reich après un référendum qui valide à 91% le rattachement. Mais Hitler essaie de séduire secrètement la Grande-Bretagne et semble au départ plutôt y parvenir, notamment via son Ambassadeur à Londres, Von Ribbentrop. Les pays anglo-saxons sont au départ les moins fermés à la politique hitlérienne et connaissent des tensions en leur sein quant à l'attitude à adopter. Quand la France double la durée de son service militaire, Hitler annonce le 16 mars 1935 le retour de la conscription ainsi que la fondation de la Wehrmacht, qui contiendra 36 divisions, ce qui est une violation énorme du Traité de Versailles. Cet état de fait est condamné très fermement par la France, la Tchécoslovaquie et l'Italie. La Grande-Bretagne, elle, réagit mollement, voire avec une certaine complaisance idéologique. Elle va d'ailleurs s'empresser de signer un accord le 18 juin 1935 avec l'Allemagne en lui autorisant la construction d'une flotte à condition qu'elle ne dépasse pas 35% de la capacité britannique. Cet accord est une trahison des Anglais et suscite l'indignation en France. Mais Hitler caresse toujours l'idée de faire de la Grande Bretagne sa grande alliée, et de partager avec elle le gâteau : aux Anglais la mer, et aux Allemands l'Europe. Un autre évènement va jouer en faveur de l'Allemagne nazie : le 3 octobre 1935, Mussolini conquiert l'Abyssinie (l'Ethiopie), ce qui crée un tollé international et force l'Italie à la rupture avec la Grande Bretagne et la France. La SDN ne réagit même pas. Mussolini se rapproche donc des Allemands. Les rapports italo-allemands deviennent chaleureux : Mussolini accepte que l'Autriche soit un pays sous influence allemande et accepte même la remilitarisation de la Rhénanie, estimant que l'accord entre la France et l'URSS est un pacte illégal. Le retournement de situation est complet. Ainsi, en 1936, Hitler remilitarise la Rhénanie après un discours incendiaire sur le bolchevisme et le Traité de Versailles. Des scènes de liesse interviennent à Cologne et les élections donnent au NSDAP 98,9% des voix. La France aurait pu réagir et réduire à néant les ambitions allemandes. Pourtant, elle ne fait rien de tel.
Le nazisme avant la guerre : les derniers préparatifs et les contretemps.
Jusqu'en 1936, la politique de réarmement est tellement importante que les économistes, comme Hjalmar Schaft avertissent Hitler : la crise économique peut venir ruiner l'effort de guerre allemand. La production va trop vite et il n'y a pas assez de ressources. Hitler le sait, mais son objectif est simple : voler les ressources nécessaires et se procurer son Lebensraum, c'est-à-dire son espace vital. Avec cet espace, les ressources ne manqueront pas pour soutenir l'effort de guerre allemand. Hitler nomme Göring à l'Economie. Il faut continuer coûte que coûte. Arrive un évènement qui va permettre à la puissance nazie de se développer. La guerre civile espagnole éclate. La gauche affronte des conservateurs. Le général Franco, alors encore au Maroc, a besoin d'aide pour pouvoir aller aider les Phalangistes et briser les Républicains. La France et la Grande Bretagne n'interviennent pas. Alors que Edouard VIII a abdiqué, et que cette abdication ruine les projets de rapprochement entre l'Allemagne et la Grande Bretagne, les Allemands se tournent encore vers Mussolini et décident ensemble de donner leur soutien aux conservateurs espagnols. Hitler va envoyer exercer sa flotte et ses avions en Espagne au prix de milliers de vie (et au prix d'un croiseur, le navire Deutschland). Hitler ne cache pas son mépris pour Franco, qu'il compare à Hans Seeckt, l'ancien chef allemand de l'armée de terre, mais estime que l'installation en Espagne d'une puissance alliée pourrait être un atout pour le futur. Une Internationale fasciste est en train lentement de se dessiner. Hitler a désormais un plan très arrêté : attaquer l'Autriche puis la Tchécoslovaquie. Il le désire d'autant plus que l'URSS est en situation de grande fragilité, puisqu'elle est en pleine phase de purges et de terreurs. Pour cela, Hitler mobilise son armée de terre, de la mer et de la flotte. Mais très vite, un énorme scandale vient frapper l'armée allemande et considérablement ralentir les efforts de la Wehrmacht pour se préparer à la guerre. Il s'agit de l'Affaire Blomberg du nom du Ministre de la Guerre. Ce dernier est un nazi convaincu, peu apprécié au sein de l'Armée car trop hitlérien au goût de certains cadres. Lors d'une balade dans le Tiergarden de Berlin, il fait la connaissance de Margharethe Gruhn. Très vite, il se marie avec elle avec l'autorisation du Führer et Hitler et Göring sont les témoins de mariage de Blomberg. Néanmoins, la Gestapo découvre que la jeune femme est une ancienne prostituée, connue pour avoir volé un de ses clients et la police berlinoise apprend que le milieu prostitutionnel berlinois bruisse de la nouvelle : une des leurs a épousé le Ministre de la Guerre. Très vite, Göring est mis au courant et l'apprend à Hitler qui entre dans une colère noire. Blomberg, refusant d'annuler le mariage, est poussé à la démission. Il partira un an en exil en Italie. Cette posture d'Hitler s'explique moins par son puritanisme que par sa volonté, dans l'optique de la guerre à venir, d'avoir des chefs exemplaires qui attirent l'admiration du public. La faillite morale d'un de ses plus proches lui est d'autant plus douloureuse qu'il semble très malheureux d'avoir été floué. Mais l'affaire ne s'arrête pas là. C'est au tour de Fritsch, le chef de l'armée de terre, d'être dans le viseur d'Hitler. En 1936, Himmler avait montré à Hitler un dossier dans lequel le militaire était accusé par un prostitué mâle, Otto Schmidt, d'avoir eu des relations sexuelles avec lui. Heydrich a retrouvé le dossier et Fritsch, devant Hitler, est confronté au jeune prostitué qui maintient ses propos. Alors qu'il est établi aujourd'hui que Fritsch était "innocent", ce dernier se défend très mal et refuse d'accepter l'offre du Führer de partir pour Singapour. Il passera en commission de discipline pour une simple erreur sur la personne! Il n'empêche que l'affaire Blomberg/Fritsch accompagne également le limogeage de douze généraux et permet à Hitler de remanier sa Wehrmacht avant la guerre. Hitler nomme comme chef de l'armée de terre le Général Walther Von Brauchitsch, candidat de compromis proposé par le conseiller militaire d'Hitler, Keitel. Dans le même temps, Neurath est limogé des affaires étrangères pour être remplacé par Von Ribbentrop. Le Ministère de l'Economie, lui, passe de Schacht à Funk. Hitler, lui, prend carrément la tête de la Wehrmacht. Il est plus que jamais puissant.
L'Anschluß
La première cible d'Hitler, et c'est bien normal compte tenu de sa vie, est l'Autriche. Hitler a été bercé par les idées de Schönerer et son pangermanisme dès l'adolescence. Ce pays, coincé entre l'Allemagne et l'Italie, est fort de 7 millions d'habitants. Partagée entre les socialistes, les catholiques et les pangermanistes, dont une partie est largement favorable au Parti nazi, elle est également riche en ressources, ce qui doit pouvoir aider les industries allemandes à continuer l'effort de réarmement. A l'époque, le Président de la République Autrichienne est Miklas et le Chancelier se nomme Schusnigg. Il est profondément catholique et n'est certainement pas favorable à l'annexion au Reich Allemand. Mais Hitler ne va pas spécialement lui laisser le choix. Le Führer pense que la Grande-Bretagne, dirigée par Chamberlain, ne va jamais venir au secours de l'Autriche. Si une intervention de la France est déjà plus crédible à ses yeux, il l'estime, à raison, assez peu probable. Cette particularité chez lui, de savoir déceler la faiblesse de ses adversaires, confinant parfois à la prémonition, va être en ce sens particulièrement déterminante. Hitler va exiger de Schusnigg l'amnistie des nazis autrichiens, qui avaient assassiné Dollfuss et la nomination de Seyss-Inquart a l'Intérieur. Il exige en outre l'intégration de l'Autriche au système économique allemand. De manière assez normale, Schusnigg refuse cette idée. Hitler lui répond alors avec une menace assez simple : l'acceptation ou l'invasion. Schusnigg, sans doute heurté par un tel danger, va réagir d'une manière assez intelligente : il n'accepte pas dans l'immédiat mais soumet les exigences d'Hitler au référendum. Pour autant, après s'être assuré du soutien de Mussolini, Hitler envoie trois ultimatums à Miklas : ajourner le référendum, demander la démission de Schusnigg et nommer Seyss à la Chancellerie. Miklas accepte les deux premières conditions mais pas la troisième. Hitler lance donc l'invasion alors même que Miklas était revenu sur son refus, puisque Halifax, le ministre britannique, avait affirmé qu'il ne pouvait venir aider le pays. En réalité, il est évident qu'Hitler se moquait bien de l'acceptation ou du refus des autorités autrichiennes. Il savait absolument qu'il allait procéder à l'annexion et il y avait dans ce jeu presque sadique avec l'Autriche quelque chose de vain. Hitler se moque bien de la diplomatie, seule compte pour lui la Loi du plus fort. Le 13 mars 1938, la Wehrmacht est accueillie en héroïne en Autriche, et les scènes de liesse qui interviennent en Allemagne sont tout aussi extravagantes. Les églises sonnent et les svastikas émaillent toute l'Autriche. A peine entrés dans l'Österreich, Himmler et Heydrich ont déjà fait arrêter entre 10 000 et 20 000 personnes. Eichmann va même expérimenter des barbaries antisémites en chassant les Juifs de Vienne qui seront cruellement refoulés à la frontière tchécoslovaque. Et tandis que Hitler se rend, comme dans un voyage mémoriel, dans ses villes d'enfances, à Braunau am Inn puis Linz, l'Allemagne accepte l'Anschluß avec 99,08% des voix et l'Autriche, encore plus largement, à 99,75%. Et même si ces scores sont sans doute bien truqués, il ne faudrait pas sous-estimer le consentement populaire à l'Anschluß. De plus, cela crée un dangereux précédent : ce n'est certes pas la première fois qu'Hitler commet un acte contre des traités internationaux, mais c'est la première fois qu'il s'attaque à un pays souverain tout entier. Surtout, l'absence de réponse internationale et de difficultés particulières vont aggraver la mégalomanie hitlérienne. Mais la crise à venir est sans doute encore pire.
La Crise des Sudètes.
Hitler a voulu l'Autriche, et il l'a eu. Le problème fondamental d'Hitler se situe peut-être justement et précisément là. Il est intimement persuadé que tout ce qu'il a, c'est grâce à la force de sa volonté, si bien que sa mégalomanie va toujours en se renforçant en lui faisant perdre petit à petit contact avec la réalité. Hitler nourrit désormais la folle envie d'envahir la Tchécoslovaquie, toute la Tchécoslovaquie. Même si elle est pleine de ressources, et on sait à quel point cet état de fait est important pour l'appareil militaire nazi, cette démocratie est très proche de la France et de l'URSS. Il est persuadé que l'URSS n'interviendra pas et que la France ne le fera pas non plus. Quant à la Grande Bretagne, il est persuadé qu'elle ne fera pas plus qu'elle n'a fait en Autriche : c'est-à-dire rien. Mais cette fois ci, son état major n'est absolument pas prêt à le suivre. Beck, Goerdeler et Canaris : tous sont absolument sceptiques sur l'opportunité d'envahir la Tchécoslovaquie. Même Göring a du mal à se projeter dans le conflit. Seul von Ribbentrop, déçu par les Britanniques, pousse à la guerre. Hitler organise avec Goebbels une vaste campagne de manipulation en faisant croire que les Allemands des Sudètes, région tchécoslovaque habitée principalement par des Allemands, sont maltraités par les Tchèques, ce que les Britanniques gobent assez facilement. Dans le même temps, Hitler fait construire la Ligne Siegfried, sorte de ligne fortifiée destinée à contrer une éventuelle attaque française. Mais la construction traîne et Hitler est particulièrement dur avec son armée de terre, notamment le Général Adam ou encore Beck, qui panique fondamentalement à l'idée d'attaquer la Tchécoslovaquie et qui cherche à faire du chantage à l'état-major. Pour autant, solide sur ses appuis, Hitler peut compter sur ses trois hommes militaires : Jodl, Keitel et Brauchitsch. Konrad Henlein, chef de file des Allemands des Sudètes, discute avec Berlin et Hitler lance un ultimatum au Gouvernement tchécoslovaque destiné à forcer le pays à constituer des bataillons allemands. Cette crise, appelée "la crise du week end", fait monter sérieusement la pression entre Halifax et Ribbentrop. Mais Hitler s'entête ce qui fait dire à Halifax Herr Hitler était peut-être, voire probablement, fou. Très vite, le Premier Ministre Chamberlain propose à Hitler de le rencontrer, ce qui a lieu à deux reprises. Les deux hommes réussissent à avoir un deal : l'organisation d'un référendum d'auto-détermination pour les Sudètes, la garantie des nouvelles frontières tchécoslovaques par les forces Britanniques et Françaises et la conclusion d'un pacte de non agression avec Benes, le Premier Ministre Tchécoslovaque. Alors que les deux réunions s'étaient bien passées, et avaient calmé Hitler, la troisième réunion à Berchtesgaden bouleverse totalement Chamberlain. Désormais, Hitler prend acte des mauvais traitements subis par les Allemands des Sudètes, réclame de pouvoir envahir immédiatement la région et demande à ce que les demandes polonaises, slovaques et hongroises soient prises en compte. Chamberlain est complètement sous le choc et est complètement perdu, d'autant que Ribbentrop et Hitler continuent de parler de la tyrannie tchèque. Benes est tellement paniqué qu'il ordonne la mobilisation générale de la Tchécoslovaquie. Chamberlain croit pouvoir encore arranger les choses en envoyant Wilson qui fait savoir à Hitler que si ce dernier attaque le pays, la Grande Bretagne et la France interviendraient. Pour autant, Hitler tient bon. Il fait un discours au Sportpalast où il ne tarit pas de mots assez durs sur les Tchèques. Mais de manière inexplicable, sans savoir si c'est Göring ou Mussolini qui arrive à le convaincre, Hitler finit par renoncer à l'attaque de la Tchécoslovaquie. Sans le savoir, il échappe également à un coup d'Etat. En effet, son armée de terre, avec à sa tête Halder, avait prévu de l'assassiner si jamais il attaquait réellement la Tchécoslovaquie, trop inquiète d'une possible guerre mondiale. Encore un incroyable coup de chance pour Hitler. Interviennent alors les très tristement célèbres accords de Munich. Hitler, Mussolini, Chamberlain et Daladier se réunissent et parlent pendant 13 heures. Tous se mettent d'accord sur l'inutilité d'une guerre et les Sudètes sont cédées à l'Allemagne. Cette humiliation énorme de la Grande Bretagne et de la France aura trois conséquences majeures : la détermination d'Hitler de mener à bien son projet impérialiste, il dira : Nos ennemis sont des vermisseaux, je les ai vus à Munich. Churchill, lui même, dira de Chamberlain et de Daladier, pourtant accueillis en héros dans leurs pays : Ils ont voulu éviter la guerre en perdant leur honneur, ils auront le déshonneur et ils auront la guerre. La deuxième conséquence est le raidissement de l'URSS qui va désormais ne plus faire confiance en ces alliés ouest-européens. La troisième est tout simplement le réarmement psychologique de l'armée allemande qui, cette fois-ci, ne remettra plus en cause la troublante clairvoyance d'Hitler. Et s'il y a eu un moment où Hitler a commencé à perdre pied avec la réalité, c'est sans doute à ce moment là : il sait qu'il peut faire à peu près ce qu'il veut.
L'Allemagne : un prédateur en Europe.
A partir de la crise des Sudètes, Hitler prépare la guerre. Il a dans l'idée de récupérer le Détroit de Dantzig, qui sépare l'Allemagne de la Prusse Orientale. Il propose à la Pologne de lui laisser un simple port franc sur la Baltique mais, bien évidemment, les Polonais refusent. Etrangement, cette fois ci, l'armée pousse à la guerre. Mais Hitler et Ribbentrop seront plus modérés. En réalité, ils préparent la guerre à l'ouest. Ils ont l'intention de s'allier avec l'Italie et d'attaquer très rapidement la France afin d'isoler la Grande Bretagne et de lui imposer un blocus. Cette idée est combattue un peu naïvement par Göring qui souhaite toujours une alliance avec la Perfide Albion. Mais Ribbentrop, le Ministre des Affaires Etrangères, qui a été déçu de son passage à l'Ambassade à Londres, a d'ores et déjà renoncé à une telle hypothèse et commence à discuter avec une puissance maritime très puissante : le Japon. Pour autant, très vite, l'idée d'une offensive à l'ouest va quitter l'esprit d'Hitler pour une simple question de ressources. Hitler veut prendre possession de la Tchécoslovaquie pour ces raisons là. La Bohême et la Moravie sont des régions industrielles et riches, ainsi qu'un point stratégique majeur pour une éventuelle guerre vers l'est, le Lebensraum. Hitler prend contact avec les indépendantistes slovaques et leur promet un Etat fantoche indépendant dirigé par Josef Tiso. Goebbels lance alors une vaste campagne de propagande anti-tchèque. Très vite, le Président tchécoslovaque, le vieux Docteur Emil Hacha, demande une entrevue à Hitler et se rend à Berlin, où un comité d'accueil des plus épicés l'attend. Hitler lui annonce de but en blanc qu'il va prendre possession du pays, et le vieil homme tombe dans les pommes. Le médecin personnel d'Hitler, le Docteur Morell, fait une injection qui réveille le vieux Président. Hacha, complètement traumatisé, ordonne à ses troupes de ne pas résister et accepte l'annexion. L'armée allemande marche sur Prague le 15 mars. Hitler investit le Palais des Rois de Bohême et y hisse la svastika nazie. Evidemment, le tollé international est énorme. Cette fois ci, Chamberlain et Daladier expliquent que si Hitler renouvelle une telle manoeuvre, ce sera la guerre. Pour autant, Hitler se moque comme de sa première chemise de ces avertissements. Après avoir imposé un protectorat en Bohême et en Moravie, il annexe le Memelland, une région allemande en Lituanie, après l'avoir copieusement menacée de bombardements. Cela crée forcément une ambiance et les Lituaniens ne résistent pas, en acceptant l'annexion. La Pologne, elle, commence sérieusement à paniquer et à comprendre qu'elle est la prochaine sur la liste. Elle signe donc avec la Grande Bretagne de Chamberlain un accord d'entraide, ce qui crée chez Hitler une colère monumentale. Hitler contre-attaque donc en mobilisant ses réseaux diplomatiques. Il signe avec Mussolini le Pacte de Fer, s'assure de la neutralité belge (qu'il violera quelques années plus tard), renforce ses liens avec la Norvège et la Suède qui lui fournissent du minerai de fer, signe avec l'Estonie et la Lettonie des pactes de non agression, conclut un traité d'approvisionnement en pétrole avec la Roumanie. En revanche, la Yougoslavie, la Hongrie et la Turquie n'acceptent pas de traiter avec l'Allemagne. Pour autant, à l'aube de 1939, le pouvoir hitlérien est prêt à passer à l'attaque et à provoquer la Seconde Guerre Mondiale.
HITLER LE SEIGNEUR DE GUERRE (1939-1942).
En 1939, Hitler a fait de l'Allemagne un prédateur de premier ordre. Après avoir violé le traité de Versailles et le droit international, tournant en ridicule ses ennemis et mis sur le pied de guerre son armée et son industrie, il s'apprête à faire plonger l'Europe dans une guerre des plus cruelles et des plus ignobles. Son fanatisme l'amènera à lancer le Génocide des Juifs et sa mégalomanie le mèneront à faire des erreurs stratégiques majeurs, qui annoncent la fin de son pouvoir charismatique.
La formation de l'Axe et le stupéfiant Pacte Germano-Soviétique.
Le 20 avril 1939, le Président des Etats Unis, Franklin D. Roosevelt, annonce la couleur : l'Allemagne Nazie doit arrêter sa politique guerrière et liste une trentaine de pays qui ne doivent sous aucun prétexte être attaqués. Hitler, se moquant de la demande américaine, s'adresse au Reichstag en listant les noms de ces pays et en raillant l'audacieuse exigence américaine, fournissant un des discours les plus célèbres du Führer. En réalité, Hitler a renoncé une fois pour toute à s'allier aux pays anglo-saxons. Il se focalise davantage sur l'alliance avec l'Italie, qui par l'intermédiaire du gendre du Duce, le Comte Ciano, a renouvelé son vœu de fidélité à Hitler. Surtout, Hitler va réaliser un retournement stratégique des plus audacieux en concluant un pacte de non agression avec son ennemi juré, son adversaire idéologique par excellence, Staline. Ce Pacte est le fruit des efforts du Ministre des Affaires Etrangères Ribbentrop envers le nouveau Ministre soviétique Molotov (voir ma synthèse sur Staline pour comprendre le retournement stratégique de l'URSS, déçue par la lâcheté occidentale) et va surtout permettre a l'Allemagne de partager sa sphère d'influence avec l'URSS. Tandis que cette dernière conservera son influence sur les Pays Baltes et la Finlande, la Pologne est divisée en deux. Le pacte permet également un échange de matières premières, tant nécessaires pour Hitler, et offre également à Staline d'obtenir des produits manufacturés et de s'assurer un passage sur les détroits du Bosphore. Ce Pacte provoque une énorme stupeur chez les Britanniques et les Français qui tombent des nues et se rendent compte que l'Allemagne n'est plus une puissance de moyenne importance. Le rapprochement avec les Japonais, qui envisagent la mise en place d'une vaste thalassocratie dans le Pacifique, et qui a des vues sur les possessions anglo-françaises, et qui est également une idée de Ribbentrop, permet de créer un vaste pôle anti-occidental. Très vite, alors que Hitler est présent sur la scène nationale, qu'il visite l'usine Volkswagen, se détend à Bayreuth à la Haus Winfried, ou participe même à Munich à un festival, revoit son ami d'enfance Kubizek, un conseil de guerre est mis en place : il sera présidé par Göring, désigné comme le successeur d'Hitler en cas de mort. Hess obtient la qualité de chef adjoint du Parti, Frick gèrera l'Administration, Funk l'Economie et Keitel est fait chef de la Wehrmacht. Hitler va commettre dès 1939, pour des raisons économiques et idéologiques, l'un des plus grands crimes contre l'Humanité qui lui est directement imputable : l'euthanasie de tous les malades mentaux d'Allemagne. Alors que certains juristes tentent de convaincre Hitler que le respect du droit naturel doit être envisagé, il annonce la couleur : il n'a que faire des libertés fondamentales et il appliquera cette mesure darwinienne. Sans empathie, et dans le plus grand secret, des équipes organisent l'euthanasie de 70 000 à 90 000 personnes dans les asiles psychiatriques allemands. Son ordre signé sera une des rares preuves que nous ayons de ses velléités génocidaires et la preuve de son infâme inhumanité. Pendant ce temps, Heydrich organise des opérations sous faux drapeau pour faire croire à la population allemande que les Polonais cherchent à attaquer l'Allemagne. Goebbels lance en parallèle des vastes opérations de propagande. Néanmoins, alors que l'Allemagne s'apprête à lancer l'invasion de la Pologne, Mussolini le trahit, pressé par Ciano et Attalico, et annonce qu'il ne soutiendra pas l'Allemagne, ce qui énerve absolument Hitler. Qu'importe, l'invasion de la Pologne aura lieu.
La Pologne, première victime expiatoire de la folie nazie.
Le 1er septembre 1939, Hitler attaque la Pologne. Mussolini propose d'organiser une conférence de paix ce qui agace prodigieusement le Führer qui perdra désormais tout respect pour le Duce. La Grande-Bretagne et la France vont dans la foulée déclarer la guerre a l'Allemagne. Mais elles n'interviendront pas dans l'immédiat, laissant la Wehrmacht détruire le pays. La Pologne allait devenir le terrain de jeu des SS qui y feront les pires expérimentations. Varsovie sera la première ville européenne à être quasiment réduite à néant par l'aviation allemande sans aucune pitié pour les populations civiles polonaises. Hitler, dans son QG, avec son homme de confiance qui ne le quittera plus jamais, le sinistre Martin Bormann, commande les opérations et survolera Varsovie. Le 27 septembre, la Pologne capitule non sans avoir héroïquement résisté. 700 000 Polonais sont faits prisonniers, 70 000 soldats sont morts et 133 000 sont blessés. Côté allemand, les pertes sont bien moindres : 11 000 morts, 30 000 blessés et 3400 disparus. Très vite, la Pologne est mise sous camisole allemande. Hans Franck, le juriste du Parti nazi, est nommé Gouverneur Général de Pologne. Albert Foster est nommé Gauleiter de Dantzig et de Prusse orientale. Le sinistre Arthur Greiser, lui, s'occupera de la tristement célèbre Warthegau. Très vite, alors que la Wehrmacht se comporte très mal avec les populations occupées (pillages, exécutions sommaires, viols, ...), les Einsatzgruppen SS vont s'illustrer par leur horreur. Après avoir arrêté l'intelligentsia, la noblesse, le clergé et les principaux hommes politiques de Pologne, ils les exécutent à tour de bras. On dénombre 60 000 victimes. Ils obéissent directement à cet ordre d'Hitler La noblesse, le clergé et les Juifs doivent être éliminés. Se disant répugné par les Slaves, qu'il veut réduire en esclavage pour l'effort de guerre allemand, Hitler laisse Himmler et Heydrich nettoyer racialement le pays en les encourageant à ne pas tomber dans la faiblesse du légalisme : les exécutions sommaires sont plus efficaces que les procès militaires. Très vite, des milices d'autoprotections d'Allemands polonais forment les Volkdeutsches Selbschutz et commettront elles-aussi des horreurs sans nom. Même certains membres de la Wehrmacht trouvent que les actions des SS vont trop loin. Mais Brauchitsch couvre Hitler et dit On ne gagne pas une guerre avec les méthodes de l'armée du salut. Hitler est clair : les SS ont carte blanche. Il ne faut pas respecter ni la Loi, ni les Conventions de Genève. Après la soumission de la Pologne, Hitler va échapper à la tentative d'assassinat d'un militant du KPD, Georg Elser, à Munich. La bombe explosera dix minutes trop tard. Encore un coup de chance monumental. Les Polonais, eux, verront leur pays être saigné à blanc sans aucune considération humanitaire.
L'offensive à l'Ouest : les "miracles" de la Blietzkrieg.
Juste après la destruction de la Pologne, Hitler envisage d'attaquer directement à l'Ouest. Là encore, l'armée de terre envisage un temps un coup d'Etat, mais Halder, toujours le même, finira par renoncer, plutôt par manque de courage que d'occasions. Malgré les réticences de Brauchitsch et de Halder, Hitler peut compter sur la motivation de Raeder, le chef de la marine ainsi que du soutien de Goebbels et Göring. En réalité, les réticences de l'armée de terre sont compréhensibles. Contrairement aux idées reçues, l'Allemagne n'est pas prête pour la guerre en 1939. Si l'armée de l'air, la Luftwaffe, est au point, il n'en va pas de même ni de la marine ni même de l'armée de terre. Le réarmement, même s'il est impressionnant, n'est pas encore abouti. Dans l'idéal, il ne serait terminé qu'en 1943. Si Hitler pense que la soumission de la Pologne lui fournira la main d'oeuvre et les ressources nécessaires pour faire plier la Grande Bretagne et la France, on comprendra assez facilement le scepticisme d'une part de l'armée, qui n'y voit qu'un coup de poker assez risqué. Mais Hitler n'est pas si bête. Il sait qu'à l'est, l'URSS a démontré sa nullité. En effet, alors qu'elle est largement supérieure, l'Armée Rouge, fatiguée par les purges et un armement démodé, est dominée par les Finlandais, dans la Guerre d'Hiver. Son objectif est de rapidement faire tomber la France et de prendre la Grande Bretagne à la gorge. Mais avant cela, Hitler doit prendre possession de la Scandinavie et de la Mer du Nord afin d'assurer son approvisionnement en fer. C'est le chef de la Marine, Raeder, qui va le convaincre de très vite en prendre possession. Le 9 avril 1940, les Allemands débarquent au Danemark qui capitule sans aucune résistance. Les Norvégiens, eux, aidés par des contingents britanniques, français et polonais, minent la Mer du Nord et résistent davantage. Ils parviennent même à couler un navire allemand. Cela permet au Gouvernement norvégien et à la Royauté de s'envoler pour Londres. Très vite cependant, la Luftwaffe détruit les aéroports norvégiens et la Wehrmacht prend possession de la Norvège le 10 juin 1940. Si les Exercices de la Weser sont une réussite, surtout face à la sphère d'influence britannique, les pertes allemandes sont déjà lourdes, et surtout l'occupation de la Norvège va demander de mobiliser 300 000 soldats, soutenus par le Mouvement de Quiesling. Mais le petit miracle dont avait besoin Hitler va arriver lors de la Bataille à l'Ouest. Les Pays-Bas capitulent en cinq jours et Rotterdam est réduite en cendres par la Luftwaffe. Le 28 mai, la Belgique, jadis si indocile, capitule sans conditions et son Roi est fait prisonnier. Puis il va y avoir la tristement célèbre Bataille de France. L'ennemi juré d'Hitler. Par les Ardennes, l'Allemagne coupe le front de l'est en deux. La Bataille de Dunkerque force les Britanniques et les Français à opérer à une retraite précipitée et meurtrière en Grande Bretagne. 340 000 hommes sont transportés par Churchill au pays. Sur l'autre versant, provoquant une grande panique et un grand exil, la France tombe en quatre semaines, alors qu'elle avait duré 4 ans en 14. Mal organisée, mal équipée en avions et en chars et surtout mal dirigée par des chefs militaires défaitistes, la France capitule le 17 juin 1940. Hitler, pour se venger de la trahison de 1940, fait signer la paix dans la forêt de Compiègne. Pétain, investi des pleins pouvoirs par l'Assemblée de la IIIème République, admet la division de la France en deux : la zone occupée (le nord et l'ouest) et la zone libre dirigée par les vichystes, et Laval notamment. Le 24 juin, les Français sont obligés de signer une armistice séparée avec les Italiens qui, comme par hasard, viennent tout à coup de rentrer dans la guerre aux côtés de l'Allemagne, non sans l'amertume d'Hitler. Churchill, estomaqué par la reddition française, fait couler à Oran la marine française et tue 1250 marins. Mais sans le savoir, alors qu'il vient de tranquillement visiter Paris et les Flandres, et alors qu'il est acclamé en Allemagne comme le plus grand seigneur de guerre de tous les temps dixit Keitel, Hitler a commis la première énorme erreur stratégique de la guerre. En laissant les Anglais organiser la retraite de leurs troupes, alors qu'il pouvait réduire Londres en cendre et faire plier les Anglais en lançant son armée à l'attaque, il a préféré temporiser. Cette erreur lui coûtera sans doute la victoire et le monde s'en serait trouvé bien différent.
L'échec de l'Internationale fasciste, la Campagne Yougoslave et les déceptions d'Hitler.
Alors que les Gauleiter des zones occupées commencent déjà a se demander ce qu'il faut faire des minorités juives, certains comme les Gauleiter d'Alsace et de Lorraine les envoyant en France, les autres, comme les Polonais, caressant l'idée de s'en servir comme otage, Heydrich, notamment, réfléchit déjà à la manière de gérer la question juive. Les choses sont encore confuses : certains veulent encore la remigration. Pour autant, ce n'est pas encore la préoccupation d'Hitler qui cherche à nouer des alliances à l'Ouest. Ainsi, Hitler rencontre Franco qui semble intéressé à l'idée d'entrer dans l'Axe, notamment pour contrôler le Détroit de Gibraltar et prendre la possession du Maroc. Hitler, qui se réjouit de cette idée, est pourtant diablement déçu par Franco qui demande des ressources et ne semble pas vouloir s'attaquer tant que cela à la Grande Bretagne. Hitler dira notamment Je préfère me faire arracher 3 ou 4 dents plutôt que de reparler avec Franco. Déçu, il l'est aussi par les Français de Pétain et Laval qui, non seulement se voient minés par la résistance gaullienne qui vient de s'emparer de la Guinée Equatoriale, mais en plus ne semblent pas vouloir avancer davantage dans l'idée d'une collaboration trop étroite, d'autant plus que Laval a déjà à Dakar réussi à repousser les forces britanniques. Et surtout, la plus grande déception viendra de Mussolini. Ce dernier souhaite annexer Nice, la Corse, Tunis et Djibouti ce qui mine la volonté d'Hitler de créer une Internationale fasciste regroupant l'Allemagne, l'Italie, la France et l'Espagne. Mais pire encore, alors qu'Hitler occupe la Roumanie afin de garantir les ressources pétrolières, le Duce, vexé, attaque la Grèce sans prévenir Hitler, et ce en pleine mauvaise saison. Hitler, furieux, se rend compte que cela va ralentir sa nouvelle ambition : achever l'URSS tant qu'il en est encore temps. En effet, les relations avec l'URSS se sont considérablement refroidies. Molotov qui avait exigé le retrait des troupes allemandes de Finlande, l'octroi de bases en Turquie, la cession de la Bulgarie et une retraite japonaise, réclame désormais de discuter du sort de la Yougoslavie, de la Roumanie, de la Suède, de la Grèce et de la Pologne. Hitler souhaite désormais détruire l'URSS afin de forcer la Grande Bretagne à capituler, de permettre aux Japonais de se focaliser sur la lutte à l'Ouest, de posséder l'Europe centrale dans son entièreté, notamment l'Ukraine pour la formation du Lebensraum, et puis veut détruire son ennemi idéologique de toujours : le judéo-bolchevisme. Ribbentrop a en plus rencontré le très belliqueux Ministre des Affaires Etrangères Japonais Matsuoka qui souhaite aussi être soulagé du poids de l'URSS. Mais ces projets sont ralentis par Mussolini qui patine en Libye. Hitler est contraint d'envoyer Rommel tenter de l'aider. Et puis il y a la crise Yougoslave. Alors que Hitler avait réussi à signer une alliance avec la Yougoslavie, un coup d'Etat renverse le Régent, le Prince Paul, et met à sa place, Pierre II. Ainsi, Hitler va commettre sa deuxième erreur stratégique majeure. Au lieu de se focaliser sur l'URSS, il est contraint d'envoyer une expédition militaire en Yougoslavie pour calmer la révolte et aider les forces italiennes coincées dans le bourbier grec. Belgrade est détruite par les bombes et très vite, la Yougoslavie et la Grèce capitulent. Il n'y a à peine que 151 morts allemands. La Croatie, portée par le Mouvement Anti Serbe des Oustachis, en profite pour proclamer son indépendance et soutenir l'Allemagne. Athènes ne sera pas bombardée et Hitler envoie en Crète des parachutistes. Mussolini, lui, est vexé car la Grèce s'est rendue à l'Allemagne et pas à lui, ce qui agace encore une fois prodigieusement Hitler. Une autre déception vient marquer Hitler. Le 10 mai 1941, son plus fidèle ami, Rudolf Hess, prend l'avion et atterrit en Ecosse afin, via l'Anglo-German Society, d'essayer de convaincre Churchill et les Anglais de s'allier à l'Allemagne. Ce coup de folie va désespérer Hitler et va renforcer le poids de Martin Bormann dans son esprit. Ce que Hitler ne sait pas, c'est que toutes ces déceptions lui ont fait perdre un temps fou, notamment pour l'Opération Barberousse. Il ne sait pas que cette deuxième erreur lui fera perdre la guerre.
L'Opération Barberousse.
Hitler veut donc détruire l'URSS, son ennemi juré. C'est à la fois l'occasion pour lui de se débarrasser de son ennemi idéologique majeur et surtout de pouvoir coloniser l'est, et créer son utopie de l'espace vital. Hitler a également dans l'idée de déporter tous les Juifs d'Europe en Sibérie afin de les y faire mourir. Hitler est très clair : la guerre en Russie doit être sans aucune pitié. La camaraderie entre soldats doit être oubliée et chaque résistance, même passive, doit faire l'objet de représailles cruelles et inimaginables. C'est ni plus ni moins qu'une lutte à mort. Le décret Barbarossa confirme en outre que les actions de la Wehrmacht contre les civils ne seront pas systématiquement poursuivies … Ordre est donné de ne pas respecter les coutumes de la guerre. Pour l'opération, Heydrich met au point 4 Einsatzgruppen, composés chacun de 400 à 600 soldats politiques (universitaires hautement qualifiés, avocats, fonctionnaires, pasteurs et même un chanteur d'opéra) afin de s'assurer de la mise à mort systématique de toute personne ayant de près ou de loin un lien avec le communisme. La chose est claire : Hitler ne veut pas d'une guerre classique mais bien une guerre d'anéantissement. Très heureux de pouvoir enfin lancer son armée contre l'URSS, il écrira à Mussolini : Je suis maintenant heureux d'être délivré de ce supplice mental. Le 22 juin 1941, l'attaque est lancée. Goebbels constate, non sans une certaine inquiétude, qu'il s'agit de la même date que l'attaque de Napoléon contre la Russie, qui signifiera la fin de l'Empereur. Or, Napoléon, c'est bien le contre-exemple de Hitler par excellence. 3 millions de soldats allemands franchissent la frontière soviétique avec 3600 chars de combat, 600 000 véhicules motorisés, 7000 pièces d'artillerie, 2500 avions et 625 000 chevaux. Autant dire beaucoup beaucoup de monde. Sur ses frontières, l'URSS dispose également de 3 millions de soldats, de 15 000 chars dont 2000 rivalisent réellement avec les chars allemands, 34 000 pièces d'artillerie et 8500 avions. Mais l'effet de surprise est total. Staline est complètement interloqué par la traitrise allemande et sera profondément dépressif pendant un temps (voir ma synthèse sur Staline pour comprendre la psychologie de l'homme à ce moment là). Les armées de Von Leeb attaquent au Nord et atteignent très rapidement Leningrad, celles de Von Bock attaquent vers Moscou et atteignent rapidement Smolensk et les armées de Von Rundstedt avancent également très rapidement en Crimée. Hitler est persuadé que la guerre sera bouclée en quelques semaines, le fait même annoncer aux radios allemandes et sous-estime grandement le fait que Staline s'est repris en créant un Comité de Défense et en annonçant une "grande guerre patriotique". Hitler est là en pleine mégalomanie. Il imagine construire des autoroutes vers la Crimée, coloniser tout l'est de l'Europe et la Russie en installant des agriculteurs aryens, regrouper tous les slaves dans les villes et en faire des esclaves à peine capables de lire des panneaux de direction puis fonder un frontière fortifiée avec l'Asie. Cette vision d'horreur ne le quitte pas et il en parlera de longues heures, persuadé d'avoir réellement obtenu son espace vital. L'objectif d'Hitler est d'imiter en Europe ce que les Britanniques ont fait en Inde, avec des gouverneurs aryens et un système d'autarcie sophistiqué. Dans son esprit, l'Europe lui fournirait des matières premières, les industries allemandes produiraient de la manufacture et redistribueraient ces biens de consommations vers les colonies de peuplement orientales. Hitler y croyait dur comme fer. L'objectif d'Hitler était vraiment social-nativiste : acquérir une égalité méritocratique dans la race aryenne mais avoir un système ultra-racialiste. Et quand il s'agit de savoir si cela n'est pas horrible, il aura ces mots sinistres : La vie est horrible. Venir au monde, vivre et trépasser, il y a toujours une mise à mort. Tout ce qui est né doit mourir un jour. Que ce soit de maladie, par un accident ou dans la guerre, cela revient au même. Hitler a un souverain mépris des Slaves qu'ils considèrent comme des fainéants nihilistes, oisifs et stupides. Il dit même de Staline : l'un des plus grands êtres humains vivants puisque, fût-ce au prix de la plus implacable contrainte, il avait réussi à forger un Etat à partir de cette famille de lapins slaves. Il comptait en outre raser complètement Moscou et Leningrad. Mais ce rêve d'orient va heureusement très vite prendre fin.
L'enlisement à l'est.
Le plus grand défaut de Hitler est sa mégalomanie. Complètement aveuglé par ses rêves de grandeur, il en oublie que l'hiver approche. Dès juillet, Barbarossa était de toute façon décevante. Les avancées n'étaient pas aussi spectaculaires qu'attendues. Cela est d'abord dû au fait que Hitler s'entend mal avec le haut commandement suprême. Tandis que Halder voulait s'emparer d'abord de Moscou, Hitler voulait prendre en priorité Leningrad et les champs pétrolifères de Crimée. Hitler croyait qu'en privant Moscou de ses ressources, il gagnerait la guerre, ce qui n'était pas si bête au demeurant. De la même façon, l'erreur a été la sous-estimation des forces soviétiques. Et curieusement, l'avancée rapide des troupes allemandes a posé le problème du ravitaillement ainsi que celui de l'épuisement des troupes. En outre, Hitler va tomber malade quelques semaines, ce qui va créer la confusion sur le front de l'est. Après la stupéfiante victoire allemande à Kiev, les nouvelles de l'est ne seront plus très bonnes dès novembre. Staline lance des contre-attaques plus ou moins bien encerclées par les Allemands. Et très vite, les très basses températures vont désespérer les troupes allemandes qui doivent subir des assauts désordonnés mais rudes. Dès le 13 décembre, le groupe centre va mal. Von Bock est remplacé par Von Kluge. Hitler est clair : pas de retraite envisagée. Quand Brauchitsch, le chef de l'armée de terre, fait une crise cardiaque, Hitler prend sa place à la tête de la Wehrmacht. Goebbels fait appel aux dons des Allemands, notamment en matière de vêtements chauds à envoyer sur le front, ce qui commence à déplaire. Quand Guderian vient supplier Hitler d'ordonner une retraite, exprimant la détresse des troupes allemandes dans le froid glacial de Russie, Hitler lui rétorquera avant de le limoger Vous devriez prendre davantage de recul. Croyez moi, les choses paraissent plus claires quand on les examine de plus loin. Hitler est clair : tout défaitisme et tout recul sera puni avec la plus grande sévérité. Fin février 1942, l'hiver a été plus que rude et les pertes lourdes, mais les troupes ont tenu bon. Hitler veut donner le coup de grâce au printemps et met en place une nouvelle stratégie. Sur les 3 millions d'hommes envoyés en juin 1941, plus d'un million est soit mort, soit prisonnier, soit disparu. Sur les 900 000 perdus, 50% ont été remplacés. Pour les véhicules perdus, seuls 10% ont été remplacés. En 1942, quand le Ministre des Armements Fritz Todt, très utile pour l'organisation des voiries, de l'eau et des STO, meurt dans un accident d'hélicoptère, il est remplacé par Speer, l'ami intime d'Hitler. Ce dernier a décidé de lancer l'Opération Bleue, destinée à contourner le Caucase pour atteindre la Perse. Sa stratégie est, pour le groupe sud, de créer un groupe A mené par List pour contourner le Caucase et de créer un groupe B, mené par von Weichs, qui remplace Beck, pour se diriger vers Stalingrad. Cette stratégie est proprement suicidaire. Si le groupe A avance bien en prenant Maïkan, il découvre que les Soviétiques ont détruit toutes leurs raffineries. Il continue pourtant à se diriger vers Bakou. Le groupe B, lui, a réussi à encercler et détruire deux armées russes au sud ouest de Kakac sur le Don. Pendant ce temps, au centre, Von Kluge subit un grave revers à Rjev et au nord, Manstein, perd la Bataille de Leningrad. Toutes ces mauvaises nouvelles mettent très en colère Hitler surtout quand Halder et List lui demandent d'opérer à un retrait, car le groupe A est coincé en Crimée. Le plus grave des revers va être infligé à Stalingrad, qui sera la Bataille décisive. L'ordre suivant avait été donné au groupe B : Le Führer ordonne que dès l'entrée dans la ville toute la population de sexe masculin soit éliminée. Mais Stalingrad ne tombe pas et Hitler s'entête, il ne veut pas pour des raisons psychologiques ordonner une quelconque retraite. Très vite, les Soviétiques encerclent la VIème armée de Paulus. Si Hitler veut un temps leur envoyer par l'air des ravitaillements ou du renfort, les conditions météorologiques le rendent impossible. Il essaie en vain d'envoyer une armée de Panzers dirigé par Hoth à leur secours mais celle ci ne parvient pas à les rejoindre. Zeitzler est même obligé d'ordonner la retraite du Caucase. Bien conscient que la situation est perdue, Paulus se rend et parmi les 113 000 prisonniers, peu survivront. Hitler, furieux, en veut aux Roumains, aux Italiens, aux Hongrois et aux Français. Il estime que la reddition est une honte. Il aura ces mots : C'est si facile à faire. Un pistolet, c'est simple. Quel genre de lâcheté faut-il pour s'y dérober ? La débâcle des Allemands sur le front de l'est marque le début d'une longue descentes aux enfers pour Hitler.
L'enlisement à l'ouest et sur le front intérieur.
Le 7 décembre 1941, les Japonais attaquent les Etats-Unis à Pearl Harbor. Hitler exulte. Nous ne pouvons pas perdre la guerre. Nous avons maintenant un allié qui n'a jamais été conquis en 3000 ans. Hitler pense sincèrement que l'entrée en guerre des Etats-Unis est une bonne nouvelle. En effet, il estime que cela va permettre d'isoler la Grande-Bretagne à l'ouest et de la couper des armes américaines. Pendant que le Japon occupe les Etats-Unis, les Allemands ont les mains libres à l'ouest et au sud. Ribbentrop et Oshima, l'Ambassadeur japonais en Allemagne, se promettent définitivement assistance. Le 11 décembre 1941, Hitler déclare la guerre aux Etats-Unis et à Roosevelt soutenu par la fourberie satanique des Juifs. Evidemment. Rommel réussit à prendre Tobrouk en Libye et à faire 33 000 prisonniers britanniques et sud-africains. Il est dans la foulée nommé feld-maréchal. L'objectif de Rommel est désormais de prendre l'Egypte. Très vite, après Stalingrad, les Alliés débarquent à Oran et Alger. Hitler ordonne de défendre Tunis coûte que coûte. Les forces italiennes et allemandes sont poussées dans leur retranchement. Mussolini, poussé par Ciano et Cavalero, supplie Hitler de demander la paix à l'URSS pour pouvoir dégager des forces sur le front sud. Même Ribbentrop commence à demander à Hitler de s'entendre avec Staline. Mais de ce côté là, c'est trop tard : c'est une guerre à mort. Face à ce problème au sud, Hitler veut s'assurer le soutien de Laval qu'il convoque en Allemagne à cause des défections d'Henri Giraud et de François Darlan. Il décide en outre d'occuper l'ensemble de la France, y compris la Corse, pour prévenir tout débarquement allié. Hitler pense en outre que les Italiens ont trahi, mais il n'en a pas encore la preuve. Même si Hitler continue à apparaitre en public et notamment à paraître au Jour du Souvenir des Héros le 15 mars 1942, et que Goebbels noie l'Allemagne dans la propagande, les plus mauvaises nouvelles sont finalement à aller chercher à l'intérieur de l'Allemagne. En effet, la justice commence à poser problème. En effet, cette dernière a donné raison à Hoepner contre son limogeage, a fait preuve de clémence dans l'affaire Schlitt (un homme qui avait tué sa femme et qui n'avait pas été condamné à mort) et surtout est peut être l'une des rares administrations à ne pas goûter au totalitarisme antisémite. Très vite, Hitler va la mettre au pas. Le Ministre Gürtner est viré et est remplacé par le terrible Otto Thierack. Hitler s'arroge le droit de limoger et châtier quiconque, quelque fût son statut, sans être lié par aucun principe juridique. Il raille le personnel juridique en disant que tout juriste doit être une faible nature ou est voué à le devenir avec le temps. En outre, Goebbels et Bormann demandent à Hitler de prendre des mesures plus énergiques contre les profiteurs civils de l'arrière. Très vite, en Tchéquie, de nombreux troubles avaient commencé à apparaître. Heydrich y avait été envoyé pour remplacer Neurath et rétablir l'ordre. Mais le 27 mai, il est assassiné dans un attentat organisé par la Special Operation Executive britannique, aidée par des Tchèques patriotes en exil. Les représailles seront terribles : 1300 tchèques seront exécutés dont 200 femmes. De plus en plus, la Royal Air Force parvient à bombarder des villes allemandes, notamment Cologne qui est partiellement détruite. Petit à petit, le cours de la guerre est en train d'imperceptiblement se renverser. Mais pendant ce temps là, en 1942, se joue l'un des génocides les plus massifs jamais employés dans l'Histoire de l'Humanité.
La Solution Finale.
Dans l'esprit d'Hitler et des SS, il y a une indissolubilité entre la campagne de l'Est et l'anéantissement du judéo-bolchevisme. On le sait, les SS éliminent systématiquement toutes les personnes qui ont de près ou de loin des liens avec le communisme. Au départ, les nazis avaient dans l'idée de déporter les Juifs des territoires occupés en Sibérie. Cette idée de déportation fait suite à l'idée initiale de déporter les Juifs soit à Madagascar soit en Palestine comme le souhaitait Eichmann. Mais très vite, plus l'avancée vers l'est devient difficile, plus la question qui a été posée a été la suivante : que faire des Juifs ? Très vite, petit à petit, des massacres de masse ont concerné les Juifs. Les groupes A, B, C et D des Einsatzgruppen SS pacifient et massacrent des milliers de juifs, parfois avec la complicité des locaux comme en Ukraine ou en Lituanie. La Wehrmacht, loin d'être passive, va aider également et massacrer également un certain nombre de Juifs. Sous l'ordre spécifique de Himmler, les juifs, femmes et enfants compris, sont exécutés régulièrement, notamment lors du massacre de Babi Yar. A la mi aout 1941, 50 000 juifs sont déjà morts. Hitler, qui comparait les Juifs, à une bacille, se comparant à Robert Koch, n'était sans doute pas loin de ces ordres particuliers. Les Gauleiter de Pologne, notamment Greiser, davantage encore que ses collègues plus à l'est, avaient déjà regroupé les juifs dans des camps de concentration. Après que Staline a déporté ses minorités allemandes vers le Kazakhstan, Hitler, influencé par Goebbels qui ne cessait de critiquer le fait que des Juifs soient encore tolérés à Berlin, ordonne que les Juifs d'Allemagne soient également déportés en Pologne afin de les transférer ensuite en Sibérie. Goebbels obtient également l'autorisation de forcer les Juifs de plus de six ans à porter l'étoile jaune. Puis, petit à petit, sous l'influence de Himmler et Heydrich, les SS décident d'exterminer des Juifs. Après l'épisode que l'on a horriblement appelé la Shoah par balle, Himmler et Heydrich gazent des Juifs dans des camions, comme ils l'avaient fait pour les malades mentaux polonais. Très vite, le Zyklon B, mis au point par J.A Tops et Fils, va être inclus à Auschwitz. Ceux qui expérimenteront la mortalité de ce gaz seront au départ des prisonniers soviétiques. Mais très vite, dans l'esprit de Himmler et Heydrich, l'idée de déporter les Juifs dans des chambres à gaz leur semble être la meilleure idée. La question a été ensuite : les Juifs Allemands doivent-ils eux aussi être exterminés ? Alors que Greiser estimait que oui, certains Gauleiter comme Lohse (Ostland) et Kube (Biélorussie) estimaient que les juifs culturellement assimilés à l'Allemagne, ou décorés par la croix de fer, n'avaient pas à être tués. Pourtant, face au SS Friedrich Jeckeln, chef de la police de l'est, ils ne vont pas beaucoup peser et ce dernier fait massacrer en Lituanie des Juifs de Berlin, Francfort, Munich, Vienne et Breslau. Même Himmler avait tenté d'empêcher le massacre de Juifs âgés porteurs de la croix de fer, sans succès. Mais bientôt, le 20 janvier 1942, lors de la conférence de la Solution Finale à Wannsee, organisée par Heydrich et à laquelle Hitler ne participe pas, la décision est prise d'exterminer tous les Juifs, nationaux et extra nationaux, dans les camps polonais d' Auschwitz, Treblinka, Sobibor et Belzec. Il ne s'agit donc plus de remigrer les Juifs en Sibérie mais de les gazer en Pologne. La chose ira tellement vite que fin 1942, 4 millions de Juifs sont déjà morts. La question a souvent été de savoir si Hitler avait été le décideur de ceci. On a beaucoup pointé la responsabilité du trio Goebbels/Himmler/Heydrich qui ont mis en place la solution finale. Mais il ne faudrait pas oublier qu'Hitler a soigneusement mis en scène ce qu'il appelait sa prophétie, largement relayée dans les médias par Goebbels, comme quoi il ferait assassiner tous les Juifs d'Europe. Mais son goût du secret a fait qu'il n'existe pas d'ordre écrit de la part d'Hitler sur la question. En travaillant dans la direction du Führer, les assassins des camps d'extermination vont commettre le plus grand génocide connu, d'autant qu'après les juifs allemands et de l'est, il sera question de déporter les Juifs français, suisses et ouest-européens en général.
HITLER ET LA FIN DE SON POUVOIR (1943-1945).
A partir de 1943, Hitler est en très mauvaise posture. A l'est, Stalingrad renverse la vapeur et enterre la volonté d'Hitler d'obtenir un Lebensraum crédible. A l'ouest, les Alliés progressent en Afrique du Nord. La résistance, en Allemagne et dans tous les territoires occupés, commencent également à nuire au pouvoir nazi. Surtout, la légitimité charismatique d'Hitler, qui était essentiellement due à ses victoires, s'effrite. Il se fera de plus en plus absent. Surtout, son immense mégalomanie va emporter l'Allemagne dans son effroyable suicide.
La remobilisation des forces nazies.
Hitler pense encore pouvoir gagner la guerre. Il décide de passer à la guerre totale en mobilisant le travail des femmes et les industries de luxe. Il offre à Keitel, Lammers et Bormann (la Dreierausschuß) la possibilité de gouverner par ordonnances d'habilitation. Mais Goebbels, Göring, Speer, Funk et Ley veulent également peser et se retrouvent secrètement pour discuter de la situation. Ils cherchent à remettre sur pied le Conseil des Ministres pour la Défense du Reich. Néanmoins, la colère de Hitler contre Göring qui n'a pas su remobiliser la Luftwaffe n'a pas permis une telle réforme qui n'aurait pas été de toute façon très utile. Bormann, le Secrétaire du Führer, semble être celui qui a le plus sa confiance. Le Führer va également remanier son ministre de l'Intérieur, Frick, et le remplacer par Himmler. Il remobilise ses soutiens extérieurs. Il reçoit Antonescu, le chef roumain et lui met un petit coup de pression. Mais c'est surtout avec Horthy, le chef hongrois, que Hitler va être détestable : il l'accuse de ne pas assez déporter de Juifs et d'être trop mou. Il essaie de s'assurer également du soutien du Roi Boris en Bulgarie, de Von Mannerheim en Finlande, de Laval en France, de Quisling en Norvège, de Tiso en Slovaquie et de Pavelic en Croatie. Une fois cela fait, il défait Raeder, l'ancien chef de la Marine, et nomme à sa place, son nouveau favori, Karl Dönitz, qui engage la bataille des sous marins. Hitler met sur pied également l'Opération Citadelle visant à remporter une Bataille à l'est, et d'engager, grâce à ses nouveaux chars d'assaut, les Tigres et Panthères. La Bataille de la Citadelle va être la plus grande bataille de chars de tous les temps : 2700 chars de tout côté! De manière très énergique, Hitler tente tant bien que mal de renverser le cours de la guerre qui n'est pas pour lui inéluctable. D'une certaine manière, il jette toutes ses forces dans la bataille. Le problème reste son aveuglement : il est persuadé que s'il échoue, ce n'est pas de sa faute mais bien de ceux qui, dans son camp, seraient des défaitistes. Pour Hitler, le spectre de novembre 1918 n'est jamais loin. Il préfère de loin le suicide à la reddition. Toutes ces réformes intérieures, ainsi que la volonté d'étendre la Shoah à tous les pays occupés afin de soi-disant "éliminer l'ennemi de l'intérieur" cachent mal une certaine impuissance. Et pour cause, la catastrophe n'est jamais loin.
Le grand revers.
Hitler va subir un immense revers sur chaque front. L'Opération Citadelle est un échec : Model et Manstein ont d'abord eu des bons résultats mais les nouveaux chars ont montré des dysfonctionnements, et Hitler a du y mettre fin malgré les grandes pertes soviétiques. De la même manière, Hitler va subir la fureur de l'Opération Gomorrhe, un bombardement de la Royal Air Force qui va ni plus ni moins qu'anéantir Hambourg. On compte 30 000 morts, 500 000 sans abris, 24 hôpitaux réduits en cendres, 58 églises détruites et 277 écoles embrasées. Incapable de monter une contre-attaque crédible avec la Luftwaffe, Hitler est fou furieux contre Göring. Mais le pire est sans doute ce qui arrive en Italie. Les 14 et 24 janvier 1943, Roosevelt avait prévenu : une paix négociée est désormais impossible, seule une reddition sans condition est désormais possible. Les Alliés sont sur le point de débarquer en Sicile. Pire encore, un coup d'Etat est en train de se préparer contre Mussolini. En effet, le Grand Conseil Fasciste vote la destitution du Duce par 19 voix contre 7 et Victor-Emmanuel III, le roi italien, nomme Pietro Badoglio à la tête du gouvernement. Mussolini, lui, est emprisonné sur l'île de Ponza. Hitler, complètement déboussolé, comprend que l'objectif derrière ce coup d'Etat est de demander une armistice aux Alliés. Hitler envisage un temps d'envahir Rome pour défaire Badoglio mais doit y renoncer. Les Allemands et les Italiens réussissent à évacuer la Sicile à temps. Le 3 septembre 1943, les Britanniques franchissent le Détroit de Messine et atteignent la Calabre. En secret, l'Italie signe un armistice avec les Alliés. Le 8, Hitler doit opérer à une retraite de ses troupes à l'est car les Soviétiques viennent de forcer le front pour s'emparer du Donets et de ses gisements précieux. Mais le 10, Hitler réussit à fondre sur Rome et affronte les Alliés. Vue la situation, Goebbels et Ribbentrop demandent à Hitler d'envisager une paix avec l'URSS. Hitler refuse. Le 12 septembre, des parachutistes SS réussissent à libérer Mussolini qui, avec ses partisans, fonde la Réppublica di Salo, un Etat fasciste brutal destiné à faire tampon avec l'autre Italie alliée. Le problème des troubles italiens est que les Soviétiques sont trop rapides pour pouvoir construire des tranchées solides. Très vite, les Soviétiques reprennent Kiev et Hitler tente tant bien que mal de garder la Crimée. Hitler doit également compter avec un mouvement de résistance dans les universités munichoises, dit de la Rose Blanche, et qui concerne des conservateurs chrétiens hostiles à la brutalité nazie. Sur tous les terrains, Hitler vient de subir un revers irrattrapable. Pour compenser, Hitler accentue la brutalité antisémite si bien qu'en fin 1943, 1,5 millions de Juifs sont morts. Les pertes sont désormais de 5,5 millions de Juifs. Mais dans le reste de l'imperium nazi, on résiste. Le Danemark ne déporte que 10% de ses Juifs, Rome cache également les siens et les Justes français dissimulent également beaucoup de leurs compatriotes. Hitler est en train de perdre la guerre. Epuisé, prenant quasiment 28 comprimés par jour, ne dormant quasiment plus, présentant un très mauvais électrocardiogramme ainsi qu'un début de Maladie de Parkinson que les injections du Docteur Morell ne parviennent pas à calmer, Hitler est au bout du rouleau. Les conversations qu'il avait au bout de la nuit avec ses collaborateurs sont de moins en moins fréquentes.
Le désastre de 1944.
Dans ses vœux au peuple allemand, Hitler l'assure : il aura la victoire. Les traîtres français d'Afrique du Nord et les traîtres italiens seront très durement punis. Il n'y aura ni reddition, ni capitulation. Toute retraite est inenvisageable. Hitler a un espoir : les fusées V1 et V2, ainsi que le nouvel avion qu'on lui promet, le Me262. S'il parvient à bombarder Londres, les fusées ne seront pas correctement exploitées. Quant à une éventuelle bombe atomique, son élaboration est beaucoup trop longue. Hitler, quand il apprend que Horthy de Hongrie préparerait une armistice en secret avec les Alliés, le terrorise et prend possession du pays qui ne sera plus jamais un ennemi. 437 402 Juifs hongrois seront alors déportés dans les camps d'extermination. Mais malgré tout, Hitler continue à perdre du terrain sur tous les fronts. Les 3 et 4 juin 1944, les Alliés sont dans Rome. Et surtout, il y a le Débarquement de Normandie. Le plus fou est qu'Hitler avait prévu que les Alliés débarqueraient en Normandie, alors que son état major pensait que cela se situerait davantage au nord de la France. L'opération Overlord est un franc succès malgré le nombre de morts américains, britanniques, canadiens et français sur les plages connues d'Utah Beach, Gold, Juno, Sword ou d'Ohama Beach. Le Cotentin est très vite repris également. Le plus terrible pour Hitler est que si les Panzers avaient été mobilisés plus tôt, le Débarquement aurait pu être contré. Mais désormais, Hitler ne pourra plus se débarrasser de la présence Alliée en Normandie. Dans le même temps, le 22 juin 1944, Staline lance l'Opération Bagration. 2,5 millions d'hommes, 5000 chars et 5300 avions sont envoyés sur une force allemande qui l'attendait à un autre endroit. Alors que Busch supplie Hitler d'ordonner à une retraite, Hitler refuse encore. Les Soviétiques vont avancer de 350 kilomètres. Staline a eu incontestablement sa revanche. Hitler va nommer Guderian à la place de Zeitzler à l'est car ce dernier vient de faire une crise de nerfs. On comprend aisément pourquoi. Même à l'ouest, Hitler limoge Rommel et Rundsted pour nommer Kluge. Mais le pire est que Hitler va faire l'objet d'une tentative terrible d'assassinat. Des cercles idéalistes de conservateurs, comme le cercle de Kreisau, composés notamment de von Tresckow, de von Schabrendorff, de Goerdeler, de Beck, de Popitz, de Moltke, de Wartenburg, vont organiser un certain nombre de tentatives d'assassinats qui vont échouer. A chaque fois, Hitler, avec une chance inouïe, que Ian Kershaw qualifie de chance du Diable, par des retards ou annulations, va survivre. Mais la plus sérieuse aura lieu le 20 juillet 1944 et sera orchestré par Claus Schenk Graf von Stauffenberg, issu d'une famille aristocratique et catholique de Souabe. Ce dernier est furieusement idéaliste et opposé à la politique antisémite du Reich. Ayant combattu en Afrique du Nord, il perd en 1943 un oeil, une main et deux doigts. Il décide de se sacrifier dans l'Opération Walkyrie pour tuer Hitler. Il va être convié au QG du Führer et va déposer une bombe à ses côtés avant de s'enfuir vers Berlin où l'attendent d'autres conjurés. Mais la bombe explose et Hitler s'en sort! Il n'aura que quelques brûlures et contusions. Très vite, tous les conjurés sont arrêtés et jugés notamment par le terrible Freisler, qui les condamne quasiment tous à mort. 200 exécutions auront lieu. Cet épisode est crucial dans la psychologie d'Hitler car il en tire deux conséquences. D'abord, il est désormais persuadé que ses échecs sur le terrain ont été le fait de cette cinquième colonne présente dans l'armée de terre. Ensuite, il sera persuadé qu'il aurait du être aussi dur avec les conservateurs qu'avec la gauche, il dira notamment : Nous avons extirpé la lutte des classes à gauche, mais nous avons malheureusement oublié d'en finir avec la lutte des classes à droite. Hitler aura trouvé son nouveau bouc-émissaire.
Mais 1944 n'est pas terminée. Malgré un durcissement du régime et la montée en grâce de Goebbels qui devient le plénipotentiaire du Reich pour mettre en place son programme de la guerre totale, le peuple allemand est épuisé. Goebbels réussit à mobiliser un million d'hommes supplémentaires en mobilisant notamment des hommes âgés, des ouvriers qualifiés et des très jeunes hommes issus des Jeunesses Hitlériennes. Mais malheureusement pour Goebbels et Bormann, entre juin et septembre 1944, beaucoup d'équipements allemands sont irrécupérables. L'aviation ne peut plus décoller à cause du manque de carburant, il n'y a plus de flotte et l'armée de terre continue de subir des revers partout, notamment à l'Ouest avec l'Opération Cobra qui s'avère être un échec. Sur le front ouest, Kluge se suicide, estimant que c'est trop tard et Model le remplace. Le 15 août 1944, les Alliés débarquent dans le Midi de la France, à Marseille et à Toulon. Hitler ordonne une retraite sur une ligne défendable dans la Haute Marne et la Saône. Le 24 août 1944, la Résistance parisienne se soulève. Alors qu'Hitler avait ordonné la destruction de Paris, la Wehrmacht choisit de ne pas le faire. Eisenhower accepte de laisser une troupe française dirigée par De Gaulle libérer définitivement Paris. Le 3 septembre, c'est au tour de Bruxelles d'être libérée du joug nazi. A l'est, c'est également la catastrophe pour les nazis. Le 2 août, la Turquie rejoint les Alliés. Le 20 août, Antonescu est renversé par le Roi Michel en Roumanie et cette dernière change de camp. Le 8 septembre, la Bulgarie renverse également son alliance. Les Allemands, paniqués, s'enfuient alors de Grèce qui est libérée par les Britanniques comme le souhaitait Churchill. L'armée des Partisans de Tito libèrent Belgrade et la Yougoslavie. Très vite, en Slovaquie également, des partisans communistes sèment le trouble. Même la Hongrie commence à lancer des sondages de paix. La Finlande de Mannerheim aussi signe une armistice avec l'URSS après avoir demandé aux troupes nazies d'évacuer le territoire. La Pologne, elle, se fait massacrer par les troupes nazis parce que les Soviétiques décident de ne pas intervenir pour se venger de la volonté de Churchill d'imposer un gouvernement polonais pro-occidental (voir ma synthèse sur Staline). La Hongrie, elle, est sur le point de se retourner, mais le fils d'Horthy est kidnappé par Skorzeny, le même qui avait réussi à libérer Mussolini. Szalasi, le chef des Croix Fléchées, mouvement fasciste, prend le pouvoir et la Hongrie restera jusqu'au bout dans le camp allemand. Tandis que les Japonais supplient Hitler via Ribbentrop de demander l'armistice à l'URSS, Hitler s'entête. Il a une idée, sa dernière, lancer une vaste offensive à l'Ouest pour forcer Churchill à demander une paix négociée.
Le dernier espoir nazi : l'Offensive à l'Ouest.
A ce stade, Hitler sait que la guerre ne peut plus être gagnée à l'est. Il pense que la guerre est en revanche encore gagnable à l'ouest. Il veut lancer une vaste offensive dans les Ardennes. Jodl met pourtant en garde Hitler contre la suprématie aérienne des Alliés et leur capacité à parachuter des troupes. Hitler n'en tient pas compte. En octobre, l'offensive devient urgente car les Alliés ont pris Aix-La-Chapelle. L'opération Brume d'Automne est lancée : 200 000 hommes et 600 chars sont envoyés contre 80 000 Américains et 400 chars. Même si l'opération commence bien, les Américains de Patton résistent. L'offensive est un échec. Hitler tente alors de lancer une opération diversion en Alsace, l'opération Vent du Nord, mais cette dernière également s'avère être un échec. A partir de ce moment là, Hitler sait que c'est fini, d'autant plus qu'une force de 2 millions de Britanniques, d'Américains, de Canadiens, de Français et de Belges avancent petit à petit. Enormément de soldats allemands se rendent aux Alliés, ce qui fait dire à Hitler que si les soldats se rendent autant à l'ouest et si peu à l'est, c'est qu'ils savent, ces lâches, que les Soviétiques n'appliquent pas les Conventions de Genêve. A l'est, 2 200 000 soviétiques écrasent les 400 000 allemands encore présents et forcent la résistance allemande. De gros bonnets nazis s'enfuient alors, comme Greiser. Très vite, une pluie de bombes s'abat sur l'Allemagne et anéantit Dresde, Essen, Nuremberg, Dortmund, Munich et Wurtzburg. Pendant ce temps, Himmler tente de contacter les Britanniques pour opérer à une capitulation dans le dos d'Hitler. Même Guderian et Ribbentrop tentent de convaincre Hitler de capituler mais rien n'y fait : il n'y aura pas de novembre 1918. Il dit Je sais que la guerre est perdue (...) Nous ne capitulerons pas. Jamais. Nous pouvons sombrer. Mais nous emporterons un monde avec nous. Keitel, Jodl et Dönitz restent fidèles à Hitler dans l'adversité. Les Alliés ont annoncé, suite à la Conférence de Yalta, que le pays sera divisé, démilitarisé, que son industrie sera placée sous contrôle, que des réparations seront reversées et que tous les criminels de guerre seront jugés. Le Parti nazi, lui, sera interdit. Alors qu'Hitler ordonne à ses troupes de détruire systématiquement toute industrie, Speer, lui, fait tout pour les préserver, en désobéissant à Hitler. Le Führer, lui, estime que si les Allemands ont perdu la guerre, c'est qu'ils ont été trop faibles. Son darwinisme social ne le quitte pas jusqu'au bout. Surtout, Hitler tient encore. Quand il apprend que le 12 avril, Roosevelt meurt, Hitler se rêve en Frédéric Le Grand et organise la révolte. Le lendemain, Vienne est prise par les Soviétiques et la Ruhr est aux mains des Américains. Le 17 avril, près de 325 000 soldats allemands se rendent aux Alliés. Hitler, quand il croit que Staline vient prendre la Saxe, nomme Dönitz au nord et Kesselring au sud. Mais les choses sont trop fichues. Très vite, la défense de Berlin elle-même tombe. Aujourd'hui, quelque chose s'est brisé en moi que je n'arrive pas encore à saisir.
La fin du pouvoir hitlérien.
Alors même qu'on le supplie de se replier en Bavière, Hitler ne veut pas quitter Berlin dont les faubourgs ont été investis par les chars de l'Armée Rouge. Il veut partir en héros et finir comme un personnage wagnerien. Il ordonne qu'on brûle son corps et celui de sa compagne, Eva Braun, qui ne veut pas le quitter, afin qu'aucun trophée ne puisse être amené aux Soviétiques. Il renie Göring qui lui a envoyé un télégramme lui annonçant qu'il prend le pouvoir. Il renie également Himmler qu'il considère comme un traître en proposant une capitulation aux Alliés, des libérations humanitaires, que ces derniers lui ont refusé. Pour le punir, il fera même exécuter Fegelein, le beau frère d'Eva Braun, qui s'était enfui de Berlin pour désertion. Il enverra les deux aviateurs Robert Ritter von Greim et Hanna Reitsch pour l'assassiner. Dans son Testament politique, il nomme Dönitz comme Président du Reich, abandonnant le titre de Führer. Il nomme Goebbels Chancelier et Bormann Ministre du Parti. Dans son testament, il explique que le nazisme a été la manifestation la plus glorieuse et la plus vaillante de la volonté d'exister d'une Nation. Dans son bunker, avec le portrait de Frédéric le Grand et celui de sa mère, il épouse Eva Braun. Fidèle à ce qu'il avait toujours évoqué comme une fin digne de son pouvoir, il se suicide d'une balle dans la tête. Eva Braun, elle, avale une capsule de cyanure. Après son suicide, Goebbels et sa femme, Martha Goebbels, à qui Hitler avait beaucoup parlé au terme de sa vie, tuent leurs enfants et se suicident également. Günsche et Linge s'occupent de la crémation des corps. A leurs morts, Krebs capitule et opère à une reddition sans condition devant l'URSS. Dönitz, lui, se rend aux Alliés. Himmler se suicidera également avec du cyanure, et Göring et Ley se suicideront dans leurs cellules avant leur procès à Nuremberg. Lors des Procès de Nuremberg, seront condamnés à mort :
-Von Ribbentrop, le Ministre des Affaires Etrangères.
-Keitel, le chef du commandement suprême de la Wehrmacht
-Jodl, le conseiller militaire d'Hitler.
-Rosenberg, le nazi du tout début, ministre de l'est.
-Frick, l'ancien Ministre de l'Intérieur.
-Seyss-Inquart, le responsable autrichien de l'Anschluß
-Ernst-Kaltenbrunner
-Franck, le juriste d'Hitler et le Gouverneur de Pologne.
-Streicher, "le casseur de Juifs".
Rudolf Hess, lui, sera condamné à la prison à perpétuité et se suicidera en prison. Dönitz, Speer et von Schirach feront des peines de prison à temps. Adolf Eichmann, on le sait, sera jugé en Israël.
Alors, il est difficile au terme de cette synthèse, de comprendre ce qu'a été le nazisme et de comprendre ce qu'a été le pouvoir d'Adolf Hitler. Il pourrait prendre bien des noms, mais celui qui semble le plus juste est tout de même celui de la Barbarie. Ce pouvoir restera toujours un insondable et effroyable mystère.
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